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L2 modèl2 associatif comme analyseur des formes du «vivr2 ensembl2» Florence aBrioux On remarque que le thème du « faire société» comme héritage républicain a longtemps prévalu en France. Le «vivre ensemble» s’est imposé plus récemment et l’on peut y déceler les prémices de la victoire des discours sur la différence. Le Canada semble plus affilié à la tradition du «vivre ensemble», où elle traduit la volonté de faire coexister des origines multiples. Les deux termes sont bien représentés dans les réflexions contemporaines : ouvrages, articles, colloques, les champs scientifiques et politiques ne manquent pas, de même que les simples références (annexe 1). Ces études renvoient toutes aux mêmes problèmes1 : celui du lien social dans le «faire société» et celui du respect de la différence dans le «vivre ensemble». Les questions posées sont notamment comment faire un avec du multiple? Comment partager des éléments communs tout en affirmant des particularités? Comment cohabiter? Évidemment, ces questions ne sont pas neuves. Si l’on en parle autant, c’est parce que le sentiment dominant est que l’irrésistible, l’irrépressible «montée de l’individualisme» comme on dit, doublée du «déclin des institutions», remettrait en cause la capacité à faire société, à vivre ensemble. Autant de menaces pour la paix et l’ordre social. 1. Lorsque je dis «problème», le choix du mot n’est pas neutre: cela signifie que dans les esprits, il existe forcément une ou des solutions que l’on s’efforce de trouver. 140 — Cahiers du gerse Ainsi, le déficit de lien ressenti est-il compensé par le discours qui tente de le recréer. Parce que parler de lien social c’est en fabriquer, c’est conjurer son manque ou son absence. Peut être aussi parce que, depuis Austin (1970), on se rappelle que parler de lien c’est contribuer à sa régénérescence2 . Quoi qu’il en soit, le « vivre ensemble » semble à la croisée des agendas: agenda politique, médiatique et scientifique. Son omnipr ésence frappe et paraît entretenir l’opprobre jetée sur le conflit. Partant de ces considérations, j’ai choisi de privilégier la problématique du conflit pour parler du «vivre ensemble». Le «vivre ensemble» est un projet auréolé de gloire alors que le conflit renvoie à la barbarie, à l’incapacité de construire une société pacifiée (Benasayag et Del Rey, 2007). On ne saurait s’insurger contre le «vivre ensemble» parce qu’il cherche plutôt à réconcilier, à ravauder, à négocier, au contraire du conflit qui effraie. De ce fait, ce dernier est soit refoulé, soit euphémisé. Lorsqu’il est envisag é, notamment par les philosophes ou les sociologues, c’est pour montrer qu’il est au cœur des relations sociales et de fait inévitable (Simmel, les lectures interactionnistes de l’école de Chicago [Strauss, 1992], ou encore l’approche gestionnaire3 ). Le conflit est alors conçu comme une étape permettant d’accéder au «vivre ensemble», but ultime. Lorsqu’il est envisagé, c’est donc pour penser son dépassement . Par ailleurs, le conflit envisagé relève plutôt de l’affrontement (Benasayag et Del Rey). Il requiert un vainqueur définitif, un des deux membres doit l’emporter pour s’imposer à l’autre, alors que le conflit devrait embrasser la totalité. Le «vivre ensemble» signifie l’impossibilité de penser le conflit. Il y a incompatibilité entre ces deux mots, l’un renvoyant le signal d’une société pacifiée, l’autre celui d’une société martiale, barbare. En réalité, le conflit est plus sage parce qu’il part d’une conception de la totalité alors qu’au contraire le «vivre ensemble» active la séparation à cause de son caractère obligatoire (Benasayag et Del Rey). 2. Un homme de lettres, Charles Péguy, le formulait autrement, il disait que «lorsqu’un mot se retrouve partout, c’est que la chose qu’il désigne est en voie de disparition» (cité par Canto-Sperber, 2001: 14). 3. Mary Parker Follett ou Peter Drucker. [3.21.248.119] Project MUSE (2024-04-20 03:12 GMT) f. aBrioux — Le modèle associatif et le «vivre ensemble» — 141 Cette approche des conflits est une sociologie des organisations qui insiste sur la nécessité de voir et de penser le conflit, ce qui passe par...

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