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chapitrE 1 l’État stratège, La citoyenneté active, la démocratie plurielle et la gouvernance partagée Louis Côté et Benoît Lévesque Dans ce chapitre, nous voulons préciser ce que nous entendons aussi bien par État stratège que par participation citoyenne. La notion d’État stratège remonte au début des années 1990. La compréhension que nous en proposons se démarque sur deux points importants qui sont d’ailleurs étroitement liés: d’abord, le fait d’appréhender le concept de stratégie dans son application non pas tellement aux questions de management ou de gestion des organisations, mais plutôt aux questions de nature plus institutionnelle touchant la place de l’État et le rapport État/société; ensuite, le fait de conjuguer État stratège et participation citoyenne. Concernant cette dernière qui soulève des questions aussi bien à droite qu’à gauche même si c’est pour des raisons différentes, nous la considé­ rons sous l’angle d’un élargissement et d’un approfondissement de la démocratie. Pour préciser l’hypothèse soumise à la discussion, nous nous appuierons sur quelques éléments fournis par la littérature. 12 État stratège et participation citoyenne 1 L’État stratège Le rapport État/société qui a dominé dans les années 1960 a été depuis lors remis en question selon deux perspectives parfois confondues : celle de l’État minimal donnant au marché l’exclusivité de la régulation et celle d’un État renouvelé faisant appel à la fois au marché et à la société civile. Selon le second point de vue, l’État modernisé, qui ne peut être qualifié de minimal, est désigné le plus souvent comme un État partenaire ou habilitant (enabling state), certains l’inscrivant dans le contexte d’une nouvelle social-démocratie pour bien préciser que la tension ­ égalité-liberté y est maintenue. Pour notre part, nous avons retenu l’idée d’«un État stratège ouvert à la participation citoyenne», car d’après nos recherches les défaillances de l’État québécois résulteraient depuis quelques années de l’incapacité à fixer des objectifs à long terme en concertation avec la société civile. Souffrant d’un manque de vision, de cohérence et d’anticipation, cet État apparaît à plusieurs comme un«État pompier», embourbé dans des fonctions opérationnelles, incapable de concevoir des projets d’avenir et faisant preuve d’une grande timidité à défendre ce qui semble relever de l’intérêt général. Dans la littérature, la question de la stratégie a longtemps été trait ée en référence à la science militaire (stratos: armée; agein: conduire;­ stratêgos: chef d’armée). Au cours du siècle dernier, la science économique s’y est intéressée, notamment à travers la théorie des jeux où les décisions s’enchaînent en fonction d’une stratégie ou d’un plan de jeu alors que les règles sont stables. Sous un angle plus statique, on trouve la notion de stratégie dans certains travaux d’économétrie, et dans une perspective plutôt dynamique, elle a été pareillement mobilisée par la théorie keynésienne, celle-ci s’intéressant aux anticipations des acteurs et à la variabilité des moyens et des milieux. Dans la sociologie des organisations , la notion de stratégie s’est également imposée dans la mesure où l’incertitude et le calcul sont présents. En se donnant une vision stratégique, l’organisation tente de «faire concourir des moyens hétérog ènes et des actions dissemblables à la réalisation d’objectifs globaux»­ (Saint-Sernin, 2002, p. 657). Autrement dit, «la stratégie, ainsi entendue , c’est la conduite et la réalisation, par les meilleurs moyens, d’une politique» (Ibid.). À la suite des travaux de Porter (1986) sur l’avantage concurrentiel (touchant les conditions externes, soit l’environnement et le marché) ou de ceux de Hamel et Prahalad (1990) et de Spanos [3.138.125.2] Project MUSE (2024-04-19 20:56 GMT) L’État stratège, la citoyenneté active, la démocratie plurielle et la gouvernance partagée 13 et Lioukas (2001) sur l’importance des ressources et des compétences stratégiques (traitant des conditions internes, notamment les relations intraorganisationnelles), les entreprises et les groupes industriels et financiers se sont de plus en...

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