In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

INTRODUCTION «HABITER LA TERRE. LE PAYSAGE, UN PROJET POLITIQUE1 » Mario Bédard Le paysage est d’une richesse et d’une actualité telles qu’il semble inépuisable et être de tous les discours traitant aussi bien d’aménagement que d’environnement, de développement que de bien-être. En témoignent la pléthore de colloques et d’auteurs qui l’abordent de mille et une façons, des plus matérielles dès lors qu’il est question de gestion, de bâti ou de propriété aux plus immatérielles qui s’intéressent au sens, au sentiment d’appartenance ou au symbolique, et plus particulièrement ces rencontres 1. Ce chapitre introductif reprend de larges segments de l’argumentaire du colloque du même nom signalé dans l’avant-propos et qui est à l’origine de ce livre. Un argumentaire qui fut conçu en étroite collaboration avec Jacques Bethemont, Hélène Hatzfeld, Odile Marcel et Guy Mercier. 2 Le paysage pluridisciplinaires qui, désireuses d’illustrer sa fécondité et d’approfondir ses polyphonie et polysémie, l’explorent abondamment depuis le début des années 19802. Or, ces études sur le paysage, même si effectuées dans des cadres multidisciplinaires qui proposent au final une somme de regards que l’arti- fice de leur rassemblement fait se juxtaposer, demeurent généralement menées sur des cours disciplinaires ou théoriques qui, s’ils se reconnaissent et s’apprécient mutuellement comme en témoignent ces nombreuses rencontres , restent dans leur individualité passablement hermétiques aux approches et aux enseignements de l’autre versant. Il y a ainsi d’un côté celui de la géographie, ouvrant par exemple à la sociologie, à l’urbanisme ou à l’aménagement, puis de l’autre celui de la philosophie et de la littérature , œuvrant lui davantage dans une perspective esthétique. Pour nécessaires et fructueux que soient ces deux modes de penser, dire et faire le paysage, et pour révélateurs que soient leurs rapprochements des dernières décennies, l’augmentation et la diversification récentes de la demande sociale de paysage, qu’il s’agisse de conserver des territoires façonnés par l’histoire, de protéger des ressources naturelles ou de valoriser les potentiels enfouis de lieux en déshérence, ont mis en évidence de nouveaux enjeux qu’ils peinent à saisir, et, à plus forte raison, à affronter. Ces nouveaux enjeux sont en effet si amples et si complexes qu’ils commandent aux spécialistes comme aux administrateurs du paysage ou à la société en général de s’ouvrir plus fondamentalement et totalement à l’ensemble des lectures possibles du paysage car, sans cette transdisciplinarité, peu de réponses véritables peuvent y être proposées, et donc pas de réelles solutions aux problématiques contemporaines sociales, environnementales ou territoriales dont témoignent nos actuels paysages. De façon plus détaillée, le paysage pose aujourd’hui d’une part des enjeux sociétaux d’importance. Ainsi, au su des archétypes et des mythes qu’il évoque, voire qu’il incarne, le paysage offre à des sociétés en perte de repères les fondements d’une identité partagée, ce au-delà de l’histoire et de la géographie de chaque territoire. Il soulève d’autre part des enjeux culturels tout aussi déterminants. Par exemple, en définissant le paysage comme un bien naturel et culturel, la Convention européenne du paysage n’appelle pas seulement à dépasser la distinction traditionnelle entre nature 2. Du nombre, signalons dans le monde francophone les ouvrages collectifs dirigés par Bergues (1995), Berque et Collot (1997), Burgard et Chenet (1999), Chenet et Wieber (1996), Chenet, Collot et Saint-Girons (2001), Dagonet (1982), Marcel (2008, 2006, 2004a, 2004b, 2002, 1989), Mercier, Bédard et Bethemont (2002), Mondana, Panese et Soderström (1992), Poullaouec-Gonidec, Domon et Paquette (2005), Poullaouec-Gonidec, Paquette et Domon (2003), Poullaouec-Gonidec, Gariépy et Lassus (1999), Roger (1999), Roger et Guéry (1991), puis Versteegh (2005). [3.139.81.58] Project MUSE (2024-04-20 07:20 GMT) Introduction 3 et culture; elle incite aussi à penser le paysage comme production, et donc comme labeur et jugement des êtres humains. Le paysage suscite enfin des enjeux politiques car il est tout à la fois patrimoine et projet d’aménagement , mémoire et invention, source de dissensions ou...

Share