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la construction des amériques aujourd’hui 156 ISBN฀978-2-7605-2349-4฀•฀D2348N d’une rhétorique plus élaborée qui se veut postmoderne ou postcoloniale, où l’hybride permettrait de s’émanciper d’une modernité condamnée parce qu’elle est occidentale et unidimensionnelle» (Gruzinski, 1999, p. 41). Il est vrai qu’il est dorénavant quasiment impossible de réfléchir à la culture et aux identités culturelles dans des termes dits essentialistes qui en font des entités fixes qui seraient en conséquence mises en danger de désintégration lorsqu’il est question d’échanges et de mélanges. Il est vrai, par ailleurs, que l’abstraction du sujet de droit se rapportant à une citoyennet é universaliste se confronte de plus en plus avec le «citoyen culturel» qui en arrive à remettre en question la norme occidentalo-universelle prévalente dans la définition et la reconnaissance des identités; en d’autres termes, qui remet en question l’imposition d’une culture occidentale, en vérité partielle et particulière, qui s’est imposée comme l’étalon de mesure et la norme universelle sur les autres cultures (Aparici, 2003). Même si l’intérêt pour la question des mélanges et des contacts culturels ne date pas d’hier dans la pensée sociale, c’est surtout, comme le souligne Michel Wieviorka, en relation ou en réaction avec des «courants d’idées privilégiant la différence collective et ses demandes [que l’]on constate la résurgence de modes d’approche mettant derechef l’accent sur des thématiques du mélange» (2001, p. 69) et dans lesquels l’hybridité culturelle est posée comme un concept central. Ces courants impliquent donc la volonté d’un passage des identités fixes, catégorisées, autonomes et exclusives, au processus de mélanges ou de transferts culturels. Ce type d’approche, articulé autour de l’idée d’hybridité, ne va pas sans causer de problèmes ni soulever son lot de critiques. Parmi celles-ci, notons celle de Marwan Kraidy qui fait remarquer les «dérives globales» de l’hybridité culturelle se traduisant par son utilisation superficielle (notamment à des fins commerciales), ce qui en réduit grandement la légitimit é et le potentiel explicatif. Kraidy affirme dans ce sens que l’hybridité«[…] becomes a floating signifier ripe for appropriation, precisely because we use the concept without rigorous theoretical grounding. […] Such uses will tend to be descriptive rather than analytical, utilitarian rather than critical» (2002, p. 323). Par ce constat, il invite à une réappropriation du concept en tenant compte de ces divers usages. Pour Stéphane Vibert, qui relève lui aussi cet usage utilitaire manquant de rigueur théorique, une pensée de l’hybride ne peut servir à une véritable analyse des dynamiques identitaires au sein des sociétés contemporaines. Au contraire, selon lui, «afin de contourner les apories et de contrer les conséquences politiques de la “raison identitaire”, à juste raison soup- çonnée de verser dans l’essentialisme, s’est développée concurremment une apologie du “métissage”, de la pensée hybride, de la créolisation, [3.15.221.67] Project MUSE (2024-04-24 12:47 GMT) l’hybridité culturelle, un concept pour penser l’expérience américaine 157 ISBN฀978-2-7605-2349-4฀•฀D2348N dont l’apparence sympathique ne doit pas éclipser l’indigence théorique» (2003, p. 162). Selon Vibert, les concepts «postmodernes» de métissage ou d’hybridité et leur mise en relation douteuse avec celui d’identité ne parviennent au mieux qu’à une dévalorisation des fondements politiques et éthiques d’un monde commun (en l’occurrence celui de la nation moderne) et de ses significations. un concePt PouR L’améRique… Au-delà d’une critique de ses «dérives globales» et avant d’être rejeté comme «rebus postmoderne», le concept d’hybridité culturelle mérite d’être questionné en étant contextualisé en fonction de ses usages et des objets d’analyse auxquels il peut se rapporter. Pour ce faire, nous interrogerons son potentiel analytique et idéologique à la lumière de l’expérience américaine. Nous entendons par expérience américaine l’ensemble des pratiques et des discours forgeant la vie, les identités, les communautés, les appartenances, les institutions, etc., des individus occupant et habitant l’Amérique, entendue dans sa dimension continentale. Un questionnement à partir et autour...

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