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La politique québécoise dans le contexte nord-américain depuis 1976 Yves Bélanger et Dorval Brunelle De manière à situer dans un contexte plus large les faits qui seront ici consignés, de même que les diverses interprétations et analyses qui en ont été fournies, il nous apparaît indispensable de nous pencher sur les quelques déterminismes économiques et politiques qui agissent sur la société québécoise et qui infléchissent son évolution. Ces processus représentent des contraintes incontournables et les mesures appliquées visent parfois à composer avec elles ou à atténuer leurs effets, plutôt qu’à les contrecarrer purement et simplement. Nous pensons ici à des mouvements de fond comme la continentalisation et l’intégration de l’économie nord-américaine, voire à des approches ou à des cadres d’intervention comme le recours à l’étatisme dans la gestion économique et sociale au Canada et au Québec jusqu’au tournant des années 80. Les contraintes de la continentalisation et de l’américanisation ont poussé les gouvernements au Canada à intervenir dans l’économie et la société à plusieurs niveaux et dans plusieurs domaines à la fois, de telle sorte que l’on pourrait interpréter le raffermissement du fédéralisme sous Trudeau de même que la radicalisation du projet nationaliste sous Lévesque comme étant deux formes ou deux modalités de protectionnisme. Faute d’accorder son importance à cette réaction parallèle de repli, on serait conduit à faire de 90 La politique québécoise dans le contexte nord-américain depuis 1976 Trudeau et de Lévesque un « miroir à deux faces »1 reflétant l’ambivalence d’une personnalité collective, au lieu d’y voir à l’œuvre deux réponses plus ou moins irréconciliables au processus d’attraction et d’absorption qu’exerce l’économie américaine. Par la suite, c’est-à-dire sous Mulroney et Bourassa, cette contrainte revêtira une forme toute nouvelle dans la mesure où l’intégration économique sera poursuivie de manière active, et non plus défensive. La continentalisation s’appuie sur l’accroissement et l’intensification des échanges de biens et de services de part et d’autre du 49e parallèle, un processus qui n’est pas sans affecter également la propriété des entreprises au Canada et le réaménagement de la structure industrielle canadienne. À leur tour, ces deux conséquences ont pu contraindre les gouvernements central et provinciaux à implanter diverses mesures de protection ou de soutien de secteurs économiques spécifiques ; c’est ainsi que l’on assiste, tout au long des années 60 et 70 en particulier à la mise en place de mécanismes visant à filtrer l’investissement étranger2 , à développer un secteur énergétique canadien ou à protéger la diffusion des biens culturels. Au niveau provincial, les réponses à ce « défi américain » s’appuient, par exemple, sur l’implantation de politiques d’achat public, voire sur l’étatisation de quelques secteurs clés de l’économie. Cependant, à compter du milieu des années 80, les deux paliers de gouvernement, fédéral et québécois, conviendront de substituer à l’interventionnisme qui prévalait auparavant une démarche orientée vers une intégration active au marché continental. Ceci dit, le Québec est dans une position particulière face au processus de la continentalisation dans la mesure où la spécialisation de sa structure industrielle conduit en même temps au déplacement de certains secteurs économiques vers l’Ontario surtout ; depuis le début des années 60 en particulier, le Québec est touché par la désindustrialisation relative des secteurs traditionnels de son économie : alors que la part de la production manufacturière québécoise comptait encore pour 30,3 % de la production canadienne totale en 1961, cette part ne s’établit plus qu à 25,9 % en 1976, et se situe à peine quelques décimales au-dessus de 24 % depuis 1985. Par ailleurs, étant donné que la population du Québec est à 80 % francophone et que le gouvernement du Québec représente le point d’appui privilégié dont dispose cette communauté, il résulte que ce qui, sur le plan strictement économique, ne devrait constituer qu’un enjeu régional ou pro1 . Pour paraphraser le titre de l’ouvrage de Gérard Bergeron publié chez Québec/Amérique en 1985. 2. Le gouvernement fédéral a, en 1975, confié à l...

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