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Lorsque, au printemps de 1955, un groupe d’individus lance l’idée de fonder une« gigantesque » coopérative d’habitation à Montréal, il s’insère dans une conjoncture tout à fait favorable à ce projet. D’abord, un mouvement de pression quant à l’utilisation du domaine SaintSulpice a préparé les esprits au regroupement. En second lieu, la finance coopérative a pesé de toute son influence pour réorienter l’action des coopératives d’habitation et, surtout, de leur Fédération. Cette dernière est alors prête à mener une expérience pilote. Finalement, les pères de la Coopérative peuvent s’appuyer sur des expérimentations en cours dans trois secteurs de la société civile où les solidarités sont naturelles : le mouvement coopératif, le syndicalisme national et l’action catholique. Toutefois, dans les mois qui suivent immédiatement l’incorporation, les premières difficultés pointent à l’horizon. De fait, les statuts et règlements de la coopérative annoncent les débats internes qui vont surgir plus tard. La lutte pour le domaine Saint-Sulpice En mars 1952, au coût de 1 500 000 $, la Ville de Montréal acquiert dans le quartier Ahuntsic un vaste terrain1 , auparavant propriété des Sulpiciens. Au départ, la municipalité entrevoit la possibilité d’en faire le site d’une exposition nationale similaire à celle de la ville de Toronto. Une portion du domaine serait réservée à l’implantation d’une école d’arts graphiques et une autre accueillerait un hôpital général qui desservirait la partie nord de la ville de Montréal. Mais plusieurs groupes voient dans la municipalisation du domaine Saint-Sulpice la possibilité de concrétiser leurs projets dans le secteur de l’habitation à coût modéré. La plupart des groupes proclament que le domaine représente le dernier grand terrain vacant propice à l’établissement d’un vaste projet de nature coopérative à l’intérieur des limites de la ville de Montréal2 . Divers projets d’habitation sont formulés et présentés aux autorités. 1. Borné par les rues Saint-Hubert et Papineau, parla Montée Saint-Michel (rue Jarry) et par l’emprise de la voie ferrée du Canadien National, le terrain couvre 1 168 872 mètres carrés (23 345 558 pieds carrés). 2. C’est oublier qu’il existe encore, à cette époque, beaucoup d’espaces vacants dans les quartiers Mercier, Rosemont et même Ahuntsic. Chapitre 3 LA FONDATION DE LA COOPÉRATIVE D’HABITATION DE MONTRÉAL (1954-1955) 62 LA CITÉ COOPÉRATIVE CANADIENNE-FRANÇAISE La lutte pour le domaine Saint-Sulpice a aussi valeur de symbole puisque, dans le domaine de l’habitation, le mouvement coopératif n’arrive pas à pénétrer efficacement le milieu montréalais. De fait, en 1952, ce mouvement est en panne : un seul délégué montréalais participe à l’assemblée générale annuelle de la Fédération. Si l’on excepte l’Union économique d’habitations, Montréal a connu jusque-là deux vagues de construction coopérative (Collin, 1984a). Inspirées du modèle des coopératives de bâtisseurs qui ont commencé à produire des logements dans plusieurs agglomérations de taille moyenne (Trois-Rivières, Chicoutimi, Sherbrooke, Victoriaville, etc.) sont fondées à Montréal, entre 1945 et 1948, des coopératives qui, afin de loger les ouvriers à bon compte, font largement appel au travail en corvée pour réduire le prix de revient des logements à construire. Ces coopératives, dont certaines ont été actives jusqu’en 1952, n’ont construit qu’un peu plus d’une centaine de logements. Sans qu’il y ait de lien causal, les coopératives montréalaises apparues après la fondation de la Fédération (été 1948) se structurent sur de tout autres bases. Elles n’ont le plus souvent qu’un rôle d’intermédiaire entre le futur propriétaire d’une maison et le constructeur. Bien qu’elles aient supervisé la construction d’un nombre respectable de logements (environ 900), ces coopératives de services techniques en matière d’habitation n’ont qu’une influence limitée sur les coûts de construction des logements et regroupent essentiellement des ménages de la classe moyenne. Comme l’indique le tableau 8, près de 60 % de cette production est attribuable au Comité d’habitation de Montréal, syndicat...

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