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UN PROLONGEMENT DE L’ENFANCE Tout au long des années 1930 et 1940, dans la plupart des écrits de l’orthodoxie catholique, la notion d’adolescence apparaît passablement floue. On l’utilisait, souvent indifféremment, pour désigner la puberté ou pour évoquer une période plus ou moins définie, de longueur variable, correspondant au passage de l’enfance à l’âge adulte. Le plus souvent, on voyait dans l’adolescence une sorte de prolongement de l’enfance ; une phase de développement qui ne faisait pas encore l’objet d’une préoccupation vraiment distinctive ni caractérisée. Non pas que « l’éveil de la sensualité », perçu comme caractéristique de cet âge, n’exigeait pas une vigilance particulière ni un renforcement des mécanismes de contrainte, mais plutôt que la lutte pour la chasteté ne se concevait pas, dans ce genre de discours, comme devant être adaptée à un type très spécifique d’individualité. Il faut considérer à cet égard l’encyclique de Pie XI sur l’éducation de la jeunesse1 . Ce document, publié en 1929, marquait le souci pour l’Église de réitérer, en les renforçant pour le contexte moderne, les éléments de la doctrine traditionnelle en matière d’éducation et, subséquemment, de prendre position sur le phénomène nouveau de 1. Pie XI, « Lettre encyclique sur l’éducation de la jeunesse » (1929), dans Paul FOULQUIÉ, Église et école, Paris, Éd. SPES, 1947, p. 139 à 197. 24 Chapitre 2 l’« éducation sexuelle ». Dans ce texte, les ambiguïtés entourant la distinction enfant/adolescent sont fréquentes. Les vocables d’adolescent ou d’enfant sont utilisés indifféremment. La confusion ne tient pas ici à ce que le terme d’enfant puisse recouvrir aussi celui d’adolescent, mais plutôt au fait que, dans des cas où certaines recommandations touchent spécifiquement l’adolescence, en excluant les plus jeunes enfants (comme pour les informations explicites touchant la sexualité), l’auteur ne voit pas la nécessité de dissiper l’équivoque. De même, dans les traductions successives de l’encyclique, le terme d’adolescence (employé dans les versions italienne et latine) était souvent remplacé (dans la traduction française notamment) par celui d’enfant2 . Ces ambiguïtés sont l’indice d’un certain déphasage entre le développement encore récent, à travers les théories scientifiques, de la notion moderne d’adolescence3 et la persistance des conceptions doctrinales anciennes. Il faut dire aussi que, dans l’esprit de l’orthodoxie catholique, la sexualité adolescente se comprenait à la lumière de principes généraux qui devaient demeurer les mêmes tout au long de l’existence humaine. Le sujet de l’éducation chrétienne, écrivait Pie XI, « c’est l’homme tout entier4». L’enfant naissait souillé par le péché originel ; il fallait donc, dès l’âge le plus tendre et tout au long de sa vie, s’appliquer à corriger ses inclinations déréglées et à développer ses tendances vertueuses5 . Bref, pour le magistère, l’adolescence apparaissait encore comme une phase imprécise sur laquelle il ne semblait pas nécessaire de s’attarder outre mesure. Au Québec, chez les propagateurs de la doctrine officielle de l’Église, les références à cette encyclique sont restées à peu près constantes tout au long des années 1930 et 1940. Dans un premier temps, les recours à cet énoncé doctrinal ont été le plus souvent rigoureux et inflexibles6 .« L’Église, disait-on, garde jalousement les lois morales, les applique avec méthode [et] ne pactise pas avec les erreurs que la passion soulève7 . » Ainsi, pour la question spécifique de la sexualité adolescente, 2. Paul FOULQUIÉ, dans Église et école (1947), nous signale des cas précis, notamment p. 195, note 68 et p. 191, note 62. 3. Parmi les premiers développements scientifiques autour de la notion d’adolescence, mentionnons Stanley HALL, Adolescence, 1904 ; Sigmund FREUD, Trois essais sur la théorie de la sexualité, Paris, Gallimard, 1962 (1905), 189 p. ; Pierre MENDOUSSE, L’âme de l’adolescent, Paris, Librairie Alcan, 1909, 250 p. 4. « Lettre encyclique... » loc. cit., 1929, p. 187. 5. À cet égard, bien sûr, les principes philosophiques de J.-J. Rousseau, qui inspiraient la pédagogie modernisante, étaient évoqués comme l’antithèse d’une éducation chrétienne. 6. Surtout dans des revues comme Nos cours, L’École...

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