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On ne peut certainement pas dire que l’éducation sexuelle ait été un thème privilégié dans les journaux populaires des années 40. Dans les chroniques sentimentales, il ne semblait guère possible d’élaborer sur un tel sujet. Lorsqu’il arrivait, en de rares occasions, au terme de considérations sur les fréquentations ou sur les amours adolescentes, que les auteures trouvent nécessaire d’évoquer la question, c’était pour renvoyer la correspondante à ses parents, à un prêtre ou à quelque compétence reconnue et légitime. Sans doute, dans les années 40, les tensions entourant cette question de l’éducation sexuelle étaient-elles encore trop vives et les divergences trop marquées pour qu’il soit possible aux chroniqueuses d’aborder le sujet sans risquer de se compromettre de quelque façon, de s’attirer les foudres de tout un mouvement fort susceptible sur les questions de moralité sexuelle. Jusqu’au milieu des années 50, les chroniqueuses se cantonnaient dans une attitude bien prudente quant à l’éducation sexuelle. Le problème était plutôt évoqué dans les termes de mises en garde et de recommandations de prudence et de retenue qui seyaient à toute jeune fille bien éduquée.« Le courrier de Colette », dans le journal La Presse, se montre particulièrement sévère envers toute forme de relâchement devant l’attrait du « plaisir sexuel ». Tout est invariablement orienté vers une représentation strictement utilitaire. Ne pas se montrer enclin au plaisir 148 Chapitre 8 avant le mariage offre la meilleure garantie de résister aux menaces ultérieures, c’est-à-dire aux éventuelles tentations d’adultère. Il apparaît ici qu’une trop grande passion amoureuse menace tout espoir d’une future réussite conjugale. Fuir les occasions dangereuses, réprimer ses penchants voluptueux et résister à toute forme d’avances, voilà, pour Colette, la meilleure façon de se gagner un honnête mari : « tous les hommes en amour sont tentés par des conquêtes difficiles1». L’ensemble des dispositions de la courriériste montre une constante dévalorisation du plaisir ou de la sensualité au nom de la stabilité conjugale à préparer. Je n’hésite pas à vous conseiller de vous montrer avec votre jeune homme ami d’une très grande réserve. Plus tard, quand vous aimerez pour de bon, toute imprudence commise aujourd’hui pourra peser sur votre vie. Ne montrez pas surtout que vous aimeriez qu’il devienne plus familier ; ce serait, je le répète, lui donner une triste idée de votre éducation2 . La jeune fille un peu « volage », qui « aime le monde », qui aime s’amuser, se voit, selon les cas, très sévèrement réprimandée ou bien amenée à comprendre son erreur et à revenir dans le droit chemin. La première étape dans la conquête de cette « sagesse » sera de se garder loin des mauvaises compagnes, de ces jeunes filles dites « modernes ». Les jeunes filles modernes de la catégorie de celles que vous imitez ne se recrutent pas parmi les meilleures [...] Souvent elles n’ont pas de famille et ne tardent pas à chèrement payer les abus qu’elles font de leur liberté3 . Cette chronique foisonne de cas exemplaires de jeunes filles déshonorées, honteuses, rongées par le remords et par l’angoisse de la faute à cacher à son futur mari. Le drame s’énonçait souvent comme suit : « Voici la vie d’une pauvre jeune fille qui, à seize ans, s’est laissée entraîner à une faiblesse qu’elle a toujours regrettée depuis4 . » Ou alors : « J’avais dix-huit ans et j’étais indocile et légère [...] Je fis la rencontre d’un beau garçon enjôleur qui m’abandonna après m’avoir séduite [...] Le vide et l’angoisse qui envahirent mon âme demeurent en dépit de toutes ces années écoulées5 . » En somme, dans le courrier de Colette, toute l’information relative à la sexualité est implicite ; elle passe par l’apologie d’un modèle « vertueux » et l’illustration du malheur lié aux comportements « déviants ». 1. La Presse, le 21 mars 1940. 2. Ibid., le 16 septembre 1950. 3. Ibid., le 14 mars 1940. 4. Ibid., le 22 mars 1930. 5. Ibid., le 28 octobre 1950. [3.145.191.214] Project MUSE (2024-04-20 04:11 GMT) Chroniques sentimentales : l’information sexuelle 149 Dans les chroniques des hebdomadaires Photo-Journal...

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