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L’adoption internationale comme phénomène migratoire Hélène BELLEAU Étudiante au doctorat en sociologie à l’Université de Montréal La circulation des enfants entre frontières nationales n’est pas un phénom ène nouveau. Ceux-ci étaient vendus comme esclaves (Boswell, 1988), et plus récemment envoyés comme force de travail à bon marché dans les colonies (Seailles, 1988 ; Laplaige, 1988 ; Schnell, 1982) avant d’être transférés pour être adoptés. Contrairement aux diverses formes de circulation juvénile connues dans l’histoire, l’adoption internationale, telle qu’elle se présente aujourd’hui, est pour sa part très récente. On situe généralement l’essor de cette pratique vers la fin des années 1940, époque où elle était instituée en réponse aux conséquences tragiques du second conflit mondial. Les orphelins de la guerre furent déplacés d’un pays de l’Europe à un autre, ou encore vers les Etats-Unis pour être adoptés définitivement . Toutefois, comme le soutient Pilotti : From being a solution to a particular problem, however, intercountry adoption not only continued at an ever accelerating pace up to the present, but also acquired a distinct character : from the 1950s on, the process has involved countries with unequal levels of socioeconomic development and populations of different racial composition. (Pilotti, 1985 : 26) L’urgence d’étudier et de comprendre la spécificité de l’adoption internationale se fait de plus en plus sentir dans de nombreux pays, soit en raison de l’augmentation des demandes et du nombre des transferts, soit parce qu’elle pose des défis politiques et sociaux de taille, tant pour les pays d’origine que pour les pays d’accueil. On commence à peine à percevoir les enjeux que soulève cette circulation des enfants entre fronti ères. Dans ces quelques lignes, nous tenterons de tracer en conséquence un portrait sommaire de la situation actuelle afin d’explorer, par la suite, quelques aspects des réalités économiques, politiques et culturelles auxquelles elle renvoie. Partant du constat d’un vide théorique sur le sujet, nous tenterons une amorce de théorisation visant à mieux saisir comment l’adoption internationale s’inscrit dans le phénomène migratoire. La théorie de l’articulation, comme manière d’appréhender la migration, ouvre à notre avis la porte à des questionnements qui pourraient se révéler riches et féconds dans l’étude de ce type de transferts d’enfants. Compte tenu des limites de cet exposé, nous devrons cependant nous restreindre à certains commentaires et réflexions qui ont émergé d’une vaste revue des ouvrages portant sur le sujet. Il s’agit donc ici de proposer quelques pistes d’analyse qui demanderaient une étude beaucoup plus approfondie. PAYS D’ORIGINE ET PAYS D’ACCUEIL DES ENFANTS DE L’ÉTRANGER Les origines géographiques des enfants adoptés à l’étranger mais aussi le nombre de ceux-ci sont très variables d’un pays d’accueil à l’autre. Dans l’ensemble, les principaux pays d’accueil sont les États-Unis, le Canadas, la Suède, l’Australie, l’Italie, la France, mais aussi la plupart des pays de l’Europe de l’Ouest. Alors que certains pays adoptent des enfants de l’étranger en grand nombre, d’autres y sont plus réticents. Les États-Unis, par exemple, effectuent chaque année le plus grand nombre d’adoptions étrangères dans le monde actuellement. Proportionnellement à sa population toutefois, la Suède accueille un nombre beaucoup plus important d’enfants étrangers que ne le font les États-Unis. Weil soutenait, en 1984, que même si la population de la Suède ne représentait que 4 % de celle des États-Unis, elle adoptait annuellement le tiers du nombre d’enfants étrangers accueillis par les Américains (Weil, 1984 : 290). Contrairement à ces deux pays, on observe par ailleurs que dans le Royaume-Uni et en Allemagne, le phénomène de l’adoption internationale demeure marginal et s’inscrit dans une histoire encore plus récente. Du côté des pays d’origine des enfants, on constate de la même façon que certains refusent d’envoyer leurs enfants à l’étranger pour 1. En 1991, on estimait à un peu plus de 2 400 le nombre d’adoptions étrangères effectuées au Canada (Daly et Sobol, 1992). 114 Hélène BELLEAU [3.144.17.45] Project MUSE (2024-04-24...

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