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Michèle KÉRISIT et Nérée ST-AMAND École de service social Université d’Ottawa Comment, par quel tour de force » les sciences sociales arrivent-elles à parler des liens sociaux sans utiliser les mots qui les désignent dans la vie courante : l’abandon, le pardon, le renoncement, l’amour, le respect, la dignité, le rachat, le salut, la réparation, la compassion, tout ce qui est au cœur des rapports entre les êtres et est nourri par le don. (Godbout, 1992 : 309) Intitulée Familles pauvres : alternatives aux interventions actuelles, la recherche que nous menons actuellement a pour but de dégager « l’ailleurs et l’autrement » des interventions institutionnelles et professionnelles auprès des familles pauvres1 . D’une durée de deux ans mais prenant source dans des préoccupations présentes depuis longtemps dans notre pratique, notre projet concerne l’ensemble du Canada et est né de deux constatations amplement documentées : • d’une part, les réseaux publics et professionnels parviennent mal à rejoindre les familles pauvres, en particulier celles qui vivent 1. Nous remercions la Division des subventions nationales au bien-être social de Ressources humaines Canada pour sa contribution financière au projet Familles pauvres : alternatives aux interventions actuelles. Un grand merci à Marc Molgat pour son travail sur l’histoire de la notion de « famille à problèmes multiples ». Familles-problèmes ou familles-ressources Approches alternatives auprès des familles démunies 50 Michèle KÉRISIT et Nérée ST-AMAND dans une très grande pauvreté. De plus, ils entraînent dans leur sillage des effets pervers qui aggravent les difficultés éprouvées par ces familles (Camiol, 1987 ; Johnson, 1991 ; Johnston, 1983 ; Kitchen, 1991 ; Kendrick, 1990 ; Conseil national du bien-être social, 1992) ; • d’autre part, il existe actuellement ce que le Rapport Bouchard (Un Québec fou de ses enfants) appelle un « vaste mouvement contemporain dit de l’appropriation ou de l’emprise (empowerment ) » et qu’il définit de la façon suivante : On y vise à partager avec l’usager des services le pouvoir d’influencer l’environnement et de participer à des activités d’échange et de réciprocité. C’est sans doute une des façons les plus claires de manifester du respect que de demeurer ouvert à l’enseignement et à la contribution d’un partenaire. (Bouchard, C., 1991 : 62) Plutôt que d’en rester à une critique des services et de nous centrer sur les problèmes éprouvés par les familles utilisatrices des services, il nous a semblé plus fructueux et plus encourageant, pour les familles engagées dans ces réseaux et pour les intervenantes qui travaillent souvent de façon isolée, de documenter et cartographier ce qui se passe actuellement dans ce« mouvement de l’emprise », certainement moins connu et reconnu, afin d’en dégager en quoi il présente une solution de rechange aux interventions traditionnelles auprès des familles pauvres D’un côté, notre recherche est donc très concrète car elle essaie de voir, dans la pratique quotidienne des organismes et à partir des questions que se posent intervenantes2 et familles, la mise en place de façons de faire qui rendent opérationnelle une philosophie de l’emprise. De l’autre côté, notre étude rejoint des préoccupations beaucoup plus théoriques dans la mesure où elle nous oblige à lier notre enquête aux orientations actuelles des politiques d’intervention dans le domaine de la pauvreté des familles et aux représentations sociales des familles vivant dans la pauvreté. Ce que nous proposons aujourd’hui, c’est une réflexion sur l’articulation entre certaines représentations sociales des familles pauvres largement répandues, en particulier chez les professionnels de l’intervention 2. En raison de l’importance du rôle des femmes dans le développement des nouveaux paradigmes d’intervention, le féminin s’impose dans la désignation des actrices de l’« alternative ». [18.218.209.8] Project MUSE (2024-04-26 10:09 GMT) Familles-problèmes ou familles-ressources 51 et dans certaines approches institutionnelles, et les modes d’intervention qu’elles véhiculent. Notre but est de mieux comprendre comment ces derniers sont remis en question par les pratiques alternatives que nous avons observées. Même si nous n’en sommes qu’au mitan de notre enquête et que l’analyse de nos données est loin d’être terminée, nous voudrions partager d...

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