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Préface Comme d’autres sociétés sans doute, la société québécoise éprouve des sentiments partagés envers l’institution universitaire. D’une part, elle en reconnaît l’importance critique croissante pour son destin comme société originale dans un monde dominé par la concurrence internationale, la technologisation croissante du travail, la perméabilité des frontières aux influences culturelles les plus diverses. Dans ce contexte, la société attend beaucoup de ses universités : formation de la relève, développement, appropriation et transfert des connaissances de pointe vers l’entreprise et l’industrie, contribution à la compréhension et à la solution de problèmes sociaux complexes, etc. Il est permis de penser que la société québécoise tire une grande fierté de ses établissements universitaires. D’autre part, pour cette même société, l’institution universitaire apparaît souvent loin de la « vraie vie » ; elle plane loin du quotidien des gens ; elle demeure une « tour d’ivoire » ; elle demande de plus en plus de ressources financières sans qu’on puisse mesurer précisément si elle en fait le meilleur usage concevable. Ces sentiments partagés s’affirment parfois plus crûment lorsque l’on considère les professeurs eux-mêmes et leur travail. Les professeurs d’université, en raison de leurs grandes connaissances, de leur présence quotidienne aux frontières du savoir, de leur rôle de pédagogues sinon de maîtres à penser, sont investis d’une aura presque sacrée, un peu comme les clercs d’autrefois. Le titre « monsieur le professeur » ou « madame la professeure » confère à son titulaire un prestige certain, encore que toujours un peu mystérieux. Ces personnes oeuvrent dans un environnement et assument des tâches qui impressionnent le commun des mortels, surtout cette fraction d’entre eux qui ont peu ou pas fréquenté l’université. Pourtant, dans le cas des professeurs tout comme dans celui de l’institution universitaire elle-même, les sentiments respectueux et admiratifs sont contrastés par d’autres, plus sceptiques ou critiques. La X Préface longue période estivale, au cours de laquelle l’enseignement universitaire entre en une espèce d’hibernation inversée, le célèbre congé sabbatique, la large autonomie dont jouit le professeur dans l’organisation de son temps et de son travail, les conditions matérielles et salariales du travail professoral, la sécurité d’emploi et la liberté académique, tous ces facteurs font du professeur d’université un travailleur qui apparaît bien privilégié, du moins aux yeux de plusieurs personnes qui, dans ou hors l’institution universitaire, observent les choses d’une certaine distance. Décrire le professeur d’université comme« privilégié » est la forme encore respectueuse d’un sentiment que d’autres expriment d’une façon beaucoup plus brutale. Les professeurs d’universités québécoises travaillent-ils assez ? Deux cours par semaine huit mois par année justifient-ils de tels salaires et avantages ? Ne devrait-on pas accroître la tâche d’enseignement des professeurs, puisque, de toutes façons, on ne peut guère contrôler le reste de leur emploi du temps ? Ceux et celles qui s’intéressent aux choses universitaires auront retrouvé dans les lignes qui précèdent des questions désormais bien familières. Le Rapport Gobeil, le Rapport Archambault, le Rapport Smith, au Québec ou au Canada, ont soulevé, répété, réitéré ces questions, nourrissant de ce fait un soupçon que les explications – pour ne pas dire : les plaidoyers pro domo des universitaires (sinon des universités elles-mêmes) – n’ont pas encore réussi à dissoudre complètement. Et les besoins financiers croissants exprimés par les universités, dans un contexte où les gouvernements se lamentent de contraintes budgétaires incontournables, ne sont pas de nature à éteindre le soupçon. L’important ouvrage du professeur Denis Bertrand, Le travail professoral reconstruit, arrive donc à un moment très approprié. Il s’agit assurément de l’étude la plus fouillée réalisée au Québec sur cette question. Le livre du professeur Bertrand propose un découpage nouveau de la tâche professorale et suggère des résultats nuancés. La recherche de Denis Bertrand rappelle plusieurs études antérieures en ce qui concerne le nombre d’heures de travail réalisées par les universitaires, qui, dans l...

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