In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

PRÉFACE« Le folklore vous tend la main, Messieurs [de la Société] du parler français. Veuillez croire qu’il sera très heureux le jour où, pour le plus grand bénéfice de votre science, vous l’accompagnerez vers ce peuple admirable qui conserve, pour nous, dans l’indissoluble unité de son âme, ses traditions et sa langue ». Luc Lacourcière1 On peut maintenant mieux apprécier les progrès que l’usage des appareils d’enregistrement a fait accomplir à la science ethnologique tout comme les défis nouveaux qu’il a entraînés. Leurs avantages ont été prédominants de sorte que ces nouvelles techniques s’avérèrent, par leur fidélité et leur précision, d’authentiques étalons qui s’inscrivirent alors obligatoirement dans la panoplie du collecteur de contes populaires puis, peu à peu, de tous les chercheurs des sciences humaines2 . Mais cela n’était pas aussi apparent il y a cinquante ans, non plus que l’utilité, pour le linguiste, des investigations méthodiques de l’ethnologue. À telle enseigne qu’un Luc Lacourcière faisait presque figure de prophète devant les membres de la Société du parler français, réunis pour l’entendre à l’Université Laval le 20 février 1946, lorsqu’il avançait que « sans l’écriture beaucoup de choses essentielles à notre humanité se sont religieusement et fidèlement transmises de génération en génération, jusqu’à nous, [grâce] au peuple traditionnel ». Il soulignait que c’est « dans ce commerce avec le peuple que le folkloriste rencontre inévitablement la langue. [...] Pour tout dire, concluait-il, je ne conçois pas que des études linguistiques soient complètes sans la connaissance 1. Luc LACOUBCIÈRE, « La Langue et le Folklore », dans Canada français, vol. XXXIII, n° 7, mars 1946, p. 500. 2. Voir la politique éditoriale publiée dans le premier ouvrage de la collection Mémoires d’homme sous le titre « Notre transcription », dans Menteries drôles et merveilleuses, Montréal, Quinze, 1978, (2° édition en 1980), p. 11-21. VIII Préface de ce premier et génial nomenclateur qu’est le peuple. Et j’estime que la science du folklore qui fréquente chez le peuple est capable de rendre à votre œuvre, Messieurs du Parler français, les plus nombreux et utiles services »3 . La suite des événements lui donne raison. En dépit des efforts solitaires et dispersés des Geneviève Massignon (1947), Ernest F. Haden (1948) et James LaFollette (1952), l’incubation se prolongea jusqu’au milieu des années soixante-dix. Après la publication en 1976 de La Jument qui crotte de l’argent, étude linguistique établie sur une version charlevoisienne d’un conte populaire, Marcel Juneau confirmait l’opinion de Lacourcière : « Les matériaux sonores accumulés par les ethnographes sont certainement l’une des meilleures sources documentaires, sinon la meilleure, dont dispose le linguiste d’ici »4 . C’est d’ailleurs à cette époque que l’équipe du Trésor de la langue française au Québec, dont il était le directeur, entreprenait le dépouillement systématique des collections sonores emmagasinées aux Archives de folklore de l’Université Laval5 . Parallèlement à ce virage fortement souhaité et longtemps attendu, Clément Legaré, encouragé par Luc Lacourcière lui-même, avait constitué, dès 1974, une équipe d’enquêteurs qui, jusqu’en 1978, sillonna la Mauricie à la recherche de récits et chansons populaires pour fournir matière à ses études de sémiolinguistique et de sémantique appliquées au folklore québécois. Dans cette perspective de continuité, par le jeu d’un libre échange fructueux entre la linguistique et l’ethnologie, le présent recueil, et l’étude sur « La Sociosémiotique et le parler français au Québec » qui l’accompagne, s’éclairent. Bien au fait de l’universalité des contes populaires — dont il a déjà publié un échantillonnage de sa collection mauricienne dans La Bête à sept têtes et Pierre la fève et produit deux articles très substantiels à partir de la grille analytique de l’école de Greimas —, monsieur Legaré recherche maintenant les caractéristiques culturelles du conte en scrutant minutieusement la langue populaire qui les véhicule. 3. L. LACOURCIERE, op. cit., p. 493-495, passim. 4. Marcel JUNEAU, « L’ethnographie québécoise et canadienne-française en regard des visées de la philologie et de la...

Share