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Pour reprendre une expression fort juste de Dupâquier, le mariage, pendant l’Ancien Régime, constitue un « permis de fécondité ». Certes quelques couples ont transgressé cette règle ou l’ont devancée de quelques mois, ce qui se traduit par un certain nombre de naissances illégitimes et de conceptions prénuptiales, mais dans l’ensemble, la très grande majorité des naissances s’inscrivent dans le cadre du mariage, les premières le suivant en général d’assez près et les autres s’échelon–nant tout au long de la période de vie féconde des femmes. Ainsi, une majorité des familles formées peu avant les recensements de 1716 et 1744 (respectivement en 1715 et 1743), et dont les deux conjoints se sont mariés pour la première fois, ont déjà un premier enfant au moment des recensements (67 % en 1716 et 55 % en 1744). Parmi l’ensemble des familles ayant pu être jumelées, un certain nombre de conjoints n’en sont pas à leur premier mariage, de sorte que le ménage est aussi constitué d’enfants de l’union précédente. Ces ménages comptent respectivement pour 21 % des ménages jumelés en 1716 et 18 % en 1744, des chiffres qui rappellent une autre réalité de la vie familiale à cette époque : la fréquence des ruptures d’unions, de même que celle des remariages. Dans les conditions générales de l’Ancien Régime, les facteurs de variation de la dimension des familles résident essentiellement dans l’âge au moment du mariage, particulièrement celui des femmes, ainsi que dans la durée de l’union, qui dépend aussi des niveaux de mortalité des adultes. Dans les villes, la pratique de mise en nourrice de même que les plus hauts niveaux de mortalité infantile agissent en général tous Chapitre VI Une descendance à assurer 140 Chapitre VI deux pour réduire la période de quasi-stérilité qui accompagne l’allaitement (aménorrhée post-partum), donnant alors lieu à des niveaux de fécondité plus élevés qu’à la campagne (Bardet, 1983 ; Garden, 1975). La situation dans la colonie paraît un peu différente, puisqu’il ne semble pas que la mise en nourrice ait été une pratique aussi courante, sauf dans certains groupes et lors du décès de la mère à la naissance de l’enfant (voir plus loin dans ce chapitre). Une étude récente suggère plutôt une dimension réduite des familles urbaines par rapport à celles de la campagne (5,3 enfants par rapport à 7,1), conséquence d’une moins longue durée des unions, et ce, en dépit d’un niveau de mortalité infantile plus élevé à la ville qu’en milieu rural (Gadoury et al., 1985). Les résultats pour la ville de Québec devraient également refléter cette situation, d’autant plus que l’âge au mariage des conjoints immigrants, proportionnellement plus nombreux dans la ville, est supérieur en moyenne à celui des personnes originaires de la colonie. L’absence de différenciation sociale dans l’âge au mariage des femmes empêche par ailleurs ce facteur d’agir ici directement sur les niveaux de fécondité respectifs des divers groupes sociaux. Les différences enregistrées à cet égard du côté masculin paraissent cependant plus accentuées, non pas tant à cause de leur effet direct sur la fécondité, qui se fait difficilement sentir avant 50 ans, que parce qu’elles se répercutent vraisemblablement sur la durée des unions. Dans un premier temps, le rythme de constitution de la descendance est examiné ici, en particulier pour bien cerner le début et la fin de la période de vie reproductrice des couples. L’aboutissement de cette dernière, la dimension des familles, est ensuite étudié suivant différentes caractéristiques des couples. Enfin, deux phénomènes irrémédiablement liés à la naissance, la mortalité maternelle ainsi que la mise en nourrice, sont abordés pour rendre compte plus complètement de la réalité entourant la mise au monde des enfants à Québec pendant le régime français. A. LE RYTHME DE CONSTITUTION DE LA DESCENDANCE 1. La première naissance Parmi les femmes qui ont eu au moins un enfant, 58 % de celles à la tête de familles de type MF et 54 % de type MO...

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