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Le parti communiste français et la conquête du pouvoir (1917-1984)
- Presses de l'Université du Québec
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LE PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS ET LA CONQUETE DU POUVOIR (1917-1984) Marc LAGANA Le communisme en France se confond, depuis ses origines, avec l’histoire du mouvement ouvrier. Historiquement, le Parti communiste français (PCF) a occupé une place de choix dans la gauche française. Pourtant, aujourd’hui, l’enracinement du PCF paraît bien fragile et son action politique en souffre profondément. Est-ce le « dépérissement » d’un parti révolutionnaire ? Il n’y a pas, à notre avis, d’explication facile. Néanmoins, l’histoire du PCF nous permet de cerner les lignes directrices de son devenir. En effet, le mouvement communiste a engendré un nouveau type de parti, a conçu un nouvel État, a imaginé une autre société. Quelles ont été les pratiques politiques de ce mouvement ? Autrement dit, quelle stratégie pour quelle révolution en France ? Sur la scène internationale le communisme a été porteur de révolution : parti révolutionnaire, État révolutionnaire, société révolutionnaire . Qu’en est-il en France, pays de tradition révolutionnaire s’il en est ? En France, le Parti et ses appareils et même des organisations relativement autonomes, tels les syndicats, sont autant d’éléments fondamentaux eu égard au potentiel révolutionnaire du mouvement. Le mouvement communiste, son implantation et son niveau de militantisme , se construit à l’usine, dans les villes, dans les régions, pour finalement s’imposer en tant que force politique. La conquête du pouvoir est au coeur de la pratique politique communiste, comme en témoignent les stratégies internationales et nationales. I1 s’agit, essentiellement, d’une double stratégie pour la conquête du pouvoir, reprenant le schéma révolutionnaire léniniste, tout en l’améliorant et en l’adaptant aux conditions nationales ainsi qu’aux conjonctures particulières. En France, le mouvement communiste construit à la fois un contre-pouvoir, enraciné dans les masses, dans la classe ouvrière, et un pouvoir politique, celui-là établi dans les moeurs et les institutions républicaines. Ce pouvoir politique est le plus souvent concrétisé à l’intérieur d’une alliance avec les socialistes. Quels ont été, dans l’histoire de la France contemporaine, les moments forts, les tendances profondes de cette stratégie communiste du double pouvoir ? Le Front populaire, le Front national, l’Union de la gauche en 1981 350 UN SIÈCLE DE MARXISME sont autant d’expériences historiques d’alliances et d’unions qui révèlent les forces et les faiblesses, le potentiel et les limites de cette stratégie. Ce sont ces moments révélateurs de l’histoire du mouvement communiste en France qui seront brièvement esquissés dans les pages qui suivent. DE LA RÉVOLUTION BOLCHEVIQUE À LA FONDATION DU PCF La révolution communiste éclate en pleine guerre et donne une lueur d’espoir à des peuples de travailleurs ravagés par trois ans de haines fratricides et d’unions sacrées. La victoire des bolcheviques, pourtant bien fragile, permettait à la gauche française d’imaginer une rupture avec tous les anciens régimes, qu’ils soient aristocratiques ou bourgeois, une rupture surtout avec un système d’exploitation économique et d’injustices sociales qui avait encore fait ses preuves en tant que pourfendeur de paix. Mais il y avait aussi la possibilité de rupture avec tous ces socialistes qui non seulement n’avaient pas pu s’opposer tant soit peu efficacement à la guerre, mais qui, ce qui est beaucoup plus grave, avaient collaboré avec les classes dominantes à l’effort de guerre. Une minorité seulement avait eu le courage de dire non à cette guerre. La dynamique révolutionnaire prise en charge par les bolcheviques et leur parti d’avant-garde frayait un chemin vers la dictature du prolétariat, à savoir vers la construction d’un pouvoir ouvrier. Rappelant la Commune de 1871 Lénine voyait ce nouvel État ouvrier, encore à construire en 1917, comme un moyen de parvenir à une société socialiste. Quoi qu’il en soit, ce rapprochement établissait un lien privilégié entre la révolution bolchevique et la gauche française, qui ainsi renouait avec ses propres traditions révolutionnaires. Mais ces traditions révolutionnaires, ces expériences collectives, si différentes entre les ouvriers russes et les ouvriers français, entre des socialistes formés sous la république bourgeoise et des bolcheviques formés à l’école de la répression tsariste, pouvaient-elles vraiment se rencontrer...