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Logique interne du stress au travail Cas des mineurs de fond Francisco SOLBES Introduction Les mineurs de fond d’une houillère française forment une communauté socioprofessionnelle fortement structurée. Leurs environnements social et professionnel sont très fortement imbriqués. L’un des ciments de cette imbrication est la maladie socio-professionnelle, communément appelée « silicose ». Elle est caractérisée au plan physique par une progressivité lente, dont les manifestations sont tardives et difficilement perceptives au départ puis par une aggravation plus ou moins rapide, et, au plan social, par une « pension » économique proportionnelle à la gravité de la maladie. J’ai pensé que ces caractéristiques pouvaient provoquer chez les mineurs actifs ou retraités, pneumoconiotiques ou non, une souffrance psychologique dont il fallait évaluer l’étendue au travers d’une recherche pluridisciplinaire. Cette recherche a été réalisée entre 1981 et 1984 par une équipe composée de trois médecins, d’un ergonomiste et de moi-même, psychosociologue, qui ai eu l’honneur de l’animer. I - PRÉSENTATION DE LA RECHERCHE 1. Cadre théorique Le cadre théorique de la recherche peut être situé à mi-chemin des travaux des docteurs Crocq et Bugard (Groupe d’étude sur la fatigue et l’asthénie) (1978), pour lesquels l’existence d’une névrose due aux conditions de travail n’est pas établie, des thèses du docteur Desjours pour qui certains types de travail provoquent une forte« usure mentale » et des conclusions du docteur Marrel (1979) concernant la pathologie émotionnelle dans la vie de travail. 2. Hypothèse En ce qui concerne les mineurs de fond, notre hypothèse est que le vécu de la pneumoconiose tant direct et dans son propre corps qu’indirect à travers la cohabitation avec ceux qui en sont atteints ou qui l’ont été, père, frères, amis, ... relève d’une souffrance psychologique comme par ailleurs toute maladie grave. Cette souffrance peut aller d’une angoisse ou d’une anxiété plus ou moins psychopathologique jusqu’à une souffrance psychopathologique grave dont les manifestations pourront être plus ou moins somatiques. Ce qui pourrait différencier la souffrance psychologique due à la pneumoconiose de la souffrance due à une autre maladie grave est le fait que la première comporte de plus fortes composantes sociales et culturelles. En effet, la pneumoconiose du houilleur est considérée comme une maladie professionnelle depuis quelques décennies. En tant que telle, elle est le plus souvent Qualité de vie au travail 443 vécue au travers de la maladie du père, du frère, ... avant d’être ressentie dans son propre corps. Cet aspect socio-familial vient s’ajouter à l’aspect socio-culturel et économique car la maladie est sanctionnée par une « pension ». 3. Méthodologie L’action entreprise en vue de vérifier les hypothèses a été l’enquête psychologique de type expérimental. Nous avons considéré que cette méthodologie était apte à nous permettre la« mesure » des différents niveaux des vécus. 3.1 La population Nous avons décidé de travailler sur un échantillon de 60 personnes qui ont été interviewées et enregistrées sur magnétocassette au cours des visites médicales. Cet échantillon de 60 personnes n’est pas statistiquement représentatif de la population minière mais suffisant pour cette sorte d’enquête où un échantillon de 30 personnes est généralement requis. La distribution initiale des 60 personnes de l’échantillon a été faite de la façon suivante : – 30 personnes silocosées et retraitées, classées suivant les formes radiologiques de la classification du BIT de Genève : • 20 de forme radiologique B ou C, • 10 de forme radiologique M, N et A (la tranche d’âge est de 45 à 60 ans). – 30 personnes en activité, au fond ou au jour, ayant toutes au moins 5 ans d’ancienneté au fond et réparties de la façon suivante : • 10 silicosés de forme radiologique M, N et A, • 20 non reconnus silicosés et dont les tranches d’âge s’étalent entre moins de 30 ans, 30 et 45 ans, et, plus de 45 ans. 3.2 Le type d’entretien choisi L’entretien non directif semblait le mieux adapté à ce genre d’enquête, car il permet aux sujets interviewés de s’exprimer librement et profondément. Pour mémoire, la méthode consiste à poser une question...

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