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La carrière professionnelle de travailleurs tunisiens émigrés en France puis rentrés en Tunisie Abdallah MOAOUTA Après un certain nombre d’études et d’enquêtes sur les projets professionnels des jeunes et leurs motivations, attitudes et représentations relatives au travail, nous avons cherché à réaliser une approche complémentaire en exploitant les orientations vis-à-vis du travail non plus dans une perspective prospective, mais dans une perspective rétrospective en quelque sorte, demandant à certains groupes de sujets, soigneusement choisis, de s’exprimer a posteriori à propos de leur expérience professionnelle antérieure, d’essayer de l’évaluer. C’est ainsi que nous avons recueilli les témoignages d’un groupe de jeunes placés dans des institutions de rééducation pour délinquants, à propos de leurs expériences antérieures de placement en tant qu’apprentis auprès de petits patrons appartenant le plus souvent au secteur informel de l’économie tunisienne ; le témoignage d’un groupe de personnes âgées, représentant un échantillon représentatif des Tunisiens de plus de soixante ans, sur l’évolution de leur carrière professionnelle dans son ensemble et enfin le témoignage d’un groupe de travailleurs tunisiens émigrés en France puis rentrés définitivement en Tunisie. Ce sont certains aspects des résultats de cette dernière enquête qui retiendront notre attention au cours de cette brève communication. Nous avons retenu le thème de l’émigration parce qu’il nous semble particuli- èrement approprié à une rencontre comme la nôtre. L’émigration nous place en effet d’emblée dans un contexte international, dans un contexte de relations et d’échanges entre groupes et personnes appartenant à différents pays, c’est-à-dire dans un contexte comparable à celui de notre congrès. Que notre assemblée se tienne au Canada me semble fournir l’occasion propice de discuter de l’émigration des Tunisiens en France en terrain neutre en quelque sorte. Pour nous, la question des travailleurs émigrés est intéressante à plus d’un titre. L’émigration tunisienne en France est ancienne, ses débuts remontent à l’époque du protectorat français sur la Tunisie. Ce phénomène n’a fait que s’accentuer avec l’indépendance nationale en 1956. À partir de 1976, à la suite de la crise économique, le nombre des Maghrébins en France a commencé de décroître et l’on a de plus en plus parlé de la réinsertion dans le pays d’origine. Pour avoir une idée de l’ampleur de l’émigration tunisienne en France, il suffit de savoir qu’en 1984, ils étaient près d’un demi-million, représentant plus de 15 % de la population tunisienne. Cette émigration a été et est encore, à un moindre degré aujourd’hui, majoritairement masculine. Les Tunisiens établis en France travaillent principalement dans le bâtiment, dans l’industrie, dans le commerce et les services. Comme il est d’usage dans les études consacrées à l’emploi, une partie des travailleurs est classée par les études que nous avons consultées comme occupée à des « emplois divers ». La région parisienne continue de constituer le principal pôle d’attraction de l’émigration tunisienne, même si elle a perdu une partie de cette exclusivité durant les dernières années. Nous ne traiterons pas ici des conditions historiques, économiques, démographiques , sociales et politiques qui ont engendré le phénomène migratoire. Par contre, nous nous arrêterons un bref moment sur les facteurs culturels et psychologiques. Ainsi, un auteur qui a particulièrement bien étudié la question a pu écrire en 1972 : On ne peut plus aujourd’hui réduire l’émigration au problème du sous-emploi, il faut en effet la replacer dans le cadre de l’évolution considérable des mentalités et des comportements que connaît la Tunisie depuis l’Indépendance sous l’influence de la révolution scolaire, du développement des mass-média, de l’accroissement de la mobilité interne mais aussi externe de la population, des effets de démonstration sociale du tourisme et de l’émigration elle-même. Les aspirations de consommation , les besoins tendent à s’aligner sur ceux des pays industrialisés alors que les revenus et les rémunérations restent encore très bas. Entre les deux termes, le divorce va croissant et tend de plus en plus à impulser le mouvement migratoire1 . Plus...

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