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CHAPITRE 7 Patte contre pâte, ou la fameuse affaire des deux A... On dit souvent qu’il y a deux sortes de A en français, celui de patte et celui de pâte ; c’est du moins ce qu’on peut observer dans nombre de variétés de français, le français standard et le français québécois entre autres, même s’il existe entre eux certaines différences phonétiques secondaires. Au contraire, certaines formes de français parisien, par exemple, semblent avoir éliminé la différence entre ces deux types de A, et les deux mots précités se disent à peu près de la même façon dans cette variété, soit tous les deux proches de patte. Si on peut parler de « fameuse affaire » dans le cas des deux A, c’est que les dictionnaires et les manuels de diction ne s’entendent pas toujours sur quel mot contient quel A. C’est ainsi que pour des mots comme pâte qui ont la variante â, la communauté linguistique attache aux différentes façons de les prononcer des valeurs sociales de distinction (ou au contraire de discrimination) qui soulèvent facilement les débats. Rien de trop surprenant, quand on pense que même pour le français standard, la variété la plus officielle de la langue, qui devrait donc en principe faire l’unanimité, tout le monde n’est pas d’accord. Cette difficulté devrait nous amener à nous poser certaines questions ; par exemple, y a-t-il bien deux sortes de A ? À première vue, oui, mais il se pourrait qu’à un niveau plus profond mais aussi plus caché, il n’y en ait qu’un seul qui aurait en réalité deux variantes... Quelle que soit la réponse à cette question, d’où vient par ailleurs cette différence de prononciation entre les deux types de A ? Et finalement, quelle est la manière la plus simple de concevoir les choses actuellement ? 136 Nos façons de parler : les prononciations en français québécois 1. La répartition des deux A Disons d’abord qu’on trouve les â comme dans pâte quand la voyelle termine le mot, par exemple dans soldat, drap, Canada, mât, etc., et aussi quand la voyelle est longue, dans des mots comme retard, gaz, tâche, passé. On connaît déjà les conditions auxquelles une voyelle peut être longue, et ce n’est pas utile d’y revenir ici (voir le chapitre précédent, au besoin). Autrement, c’est-à-dire partout ailleurs qu’à la fin des mots, et quand la voyelle n’est pas longue, on trouve au contraire le a « ordinaire » de patte. Il y a à cette affirmation un certain nombre de contradictions, mais il ne faut pas s’y tromper, parce qu’elles ne sont qu’apparentes. Dans la maison, par exemple, le la a tout l’air d’être un mot par lui-même, vu qu’il est séparé par un blanc dans l’écriture : comment se fait-il que sa voyelle ne se prononce pas â, puisqu’elle est finale ? On se rappellera qu’un mot comme l’article la n’est pas entièrement indépendant du nom dont il dépend et avec lequel il forme une unité jusqu’à un certain point. Dans ces conditions, c’est tout le groupe grammatical la maison qui agit comme un mot unique, entre autres en ce qui regarde les règles de prononciation ; on comprend donc mieux pourquoi le a de la n’est pas traité comme étant final, et donc ne reçoit pas la prononciation en â typique de la fin des mots. Pour être absolument complet, d’ailleurs, il faut ajouter que les choses se passent de la même manière avec les articles possessifs ma, ta, sa, qui sont aussi subordonnés au nom qu’ils accompagnent. Il en est de même avec les pronoms : dans Pierre la voit, le pronom complément la s’associe au verbe voit de façon si étroite qu’il n’est pas traité comme un mot véritablement distinct ; en conséquence, il est traité lui aussi comme n’étant pas final, et donc prononcé à plutôt que â. Même chose encore avec le pronom sujet ça dans une expression comme ça paraît (on ne dit jamais * çâ paraît...), alors que le pronom ça dans d’autres...

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