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2. VARIANTES SYNTAXIQUES Dans le chapitre qui suit nous examinerons les structures syntaxiques dans lesquelles figurent toutes les variantes morphonologiques analysées précédemment. Les sacres ne peuvent s’employer dans toutes les combinaisons syntaxiques ; en réalité on n’y relève qu’un petit nombre de constructions spécifiques. L’analyse du corpus nous a permis de déterminer quatre grands types de combinaisons : — l’interjection : Hostie ! ouvre la porte ! — l’apposition : Cette tabarnak de folle a perdu les clés ! — l’emphase menace : Toi, mon petit câline, tu vas en entendre parler ! — l’adverbe : En janvier, il a fait frette en crime ! 2.1 Interjection Traditionnellement l’interjection est classée après l’adverbe parmi les parties du discours. Le traitement de l’interjection varie dans les grammaires traditionnelles mais toutes s’accordent pour la placer dans la même classe que le nom, le verbe, l’adjectif, l’adverbe, le pronom. L’examen un tant soit peu attentif des propriétés de l’interjection montre immédiatement les défauts d’un tel classement. Tout d’abord l’interjection peut à elle seule, et contrairement aux autres« parties du discours », jouer le rôle d’une phrase entière. C’est le cas 68 L’EMPIRE DU SACRE où quelqu’un crie « hostiboire ! » à la vue d’un spectacle qui l’émeut ou le touche profondément. Dans ce cas l’interjection pourrait très bien être remplacée par une phrase exclamative du type « Comme ce tableau est magnifique ! » Cependant l’interjection se distingue de la phrase en question car son contenu sémantique est en relation directe avec la situation qui l’a provoquée. En dehors de la situation immédiate où elle est proférée, il est impossible d’attribuer un contenu à une interjection. On trouve donc ici l’interjection-phrase, dont le contenu sémantique est infiniment variable car il dépend chaque fois de la situation où l’interjection est proférée. L’interjection ne peut pas non plus jouer le rôle d’élément d’une phrase ou de constituant immédiat de la phrase. On trouve bien les emplois comme « Ciarge, il est ben pressé à matin ! » où l’interjection se trouve employée à l’intérieur d’une phrase et fonctionne comme un « complément large » qui signale l’intensité que le locuteur met dans sa phrase. Mais même ici on ne peut attribuer à l’interjection un rôle syntaxique précis, contrairement à ce que l’on peut faire d’un verbe, d’un nom, d’un adjectif, d’un pronom, d’un adverbe. Il semblerait que l’on puisse déceler dans le phénomène holophrastique de l’interjection toute une gradation dont les pôles seraient, d’une part, le cri inarticulé, provoqué par une douleur ou une joie intense et qui serait le même chez tous les individus quel que soit leur système linguistique et, d’autre part, la phrase parfaitement construite, détachée de l’immédiateté des sentiments et qui varierait selon les individus et leur langue. On peut illustrer la gradation de la façon suivante : 1) Degré zéro : cri inarticulé À ce degré l’individu ne se situe pas dans le domaine du langage, le cri n’est qu’un « faire » ce n’est pas un « dire ». On ne « veut » pas signifier quelque chose par ce cri et il n’y a pas intention de communication. C’est ici une pure activité physiologique déclenchée par la douleur, comme les tremblements ou les larmes involontaires des gestes réflexes. L’intonation et la force du cri varient ici selon le degré de douleur ou de plaisir et non selon les intentions de celui qui pousse le cri. Aucun sacre n’est possible à ce niveau car il supposerait une activité consciente, alors qu’un tel cri est guidé par de seuls réflexes physiologiques. 2) Degré un : « Aie » (accompagné ou non d’une phrase) Ce degré est très différent du précédent car le cri proféré va varier selon le système linguistique de l’individu, alors que ce n’était pas le cas au degré zéro. Là où un Français de l’hexagone dira « Aïe ! », un Américain dira« Aoutch ! » et un Québécois dira « Ayoye ! ». Ces formes ne sont pas à proprement parler des mots de langue — on ne peut reconnaître...

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