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1. VARIANTES MORPHONOLOGIQUES Les variantes morphonologiques se répartissent en formes non standard et en formes standard. Nous essayerons de montrer comment la création des variantes de sacre relève des deux catégories. Par formes standard nous entendons les procédés de la dérivation et de la composition qui se traduisent par la suffixation et la préfixation. Ce sont les éléments que la norme retient et à partir desquels peut se faire la création de mots nouveaux. Les formes non standard, par contre, ne sont pas reconnues par la norme dans le processus de création de mots nouveaux et sont alors cantonnées au français« populaire » ou « argotique ». On connaît l’importance de la normalisation du français : l’évolution naturelle de la langue s’est trouvée institutionnellement entravée à partir du XVIIe siècle et le phénomène se poursuit encore aujourd’hui. Dans la dérivation on distingue traditionnellement trois types de suffixation : la suffixation nominale où l’utilisation d’un suffixe particulier permet de créer un nom à partir d’un verbe (grouper → groupement), à partir d’un adjectif (beau → beauté), à partir d’un autre nom (dent → dentiste); la suffixation adjectivale où l’on peut créer un adjectif à partir d’un nom (patron → patrona/), à partir d’un verbe (habiter → habitab/e), à partir d’un autre adjectif (rouge → rougeâtre); la suffixation verbale où l’on peut créer un verbe à partir d’un nom (clou-clouer), à partir d’un adjectif (faible-faiblir), à partir d’un autre verbe (rêver → rêvasser); la suffixation adverbiale permet enfin d’obtenir un adverbe à partir d’un adjectif (douce →doucement, lente → lentement). 30 L’EMPIRE DU SACRE Dans la composition on distingue d’une part le procédé qui consiste à créer un mot nouveau à partir de mots déjà constitués, par exemple coffre-fort, aigre-doux, arrièrepens ée, et d’autre part le procédé par addition de préfixe comme charger → décharger, content → mécontent, lire relire, adroit → maladroit. La composition et la dérivation peuvent fonctionner simultanément dans les combinaisons parasynthétiques comme encolure, éborgner, ensoleillé. Les mécanismes standard présentent plusieurs traits spécifiques. On doit tout d’abord considérer qu’ils relèvent de la masse parlante et non de l’individu. En effet la composition et la dérivation existent dans la combinatoire générale du système et « prévoient » les mots nouveaux qu’il est possible de créer. En ce sens, l’individu ne peut, à lui seul, inventer un nouveau préfixe ou un nouveau suffixe. Il ne crée que dans les limites de son système linguistique. C’est ainsi que, par exemple, on va créer« alunir » sur « atterrir » et « amerrir ». D’autre part les préfixes et les suffixes ajoutent des éléments sémantiques et syntaxiques par eux-mêmes. Les préfixes représentent un contenu sémantique qui se combine au contenu sémantique de l’élément auquel il s’adjoint. Par exemple re marque la duplication dans faire → refaire, dé marque le contraire dans faire → défaire. Les suffixes, s’ils ne portent pas la même charge sémantique que les préfixes, introduisent par contre un élément syntaxique. Ainsi -able sera la marque de l’adjectif, -isme sera la marque du nom. Enfin au strict point de vue du mécanisme morphologique, la suffixation représente un phénomène de substitution ou d’addition de syllabe, et la préfixation représente pour l’essentiel un phénomène d’addition. En regard de ces propriétés, les sacres présentent des particularités qui, tout à la fois, les en distinguent et les y apparentent. Tout d’abord la création d’un nouveau sacre est un phénomène qui dépend plus de l’individu que de la masse parlante. En effet il s’agit pour chacun de trouver dans certains cas un moyen de modifier une forme originale de manière à masquer celle-ci pour échapper à la censure sociale qui sanctionne l’emploi du terme religieux d’origine. La recherche de cette forme nouvelle, en même temps qu’elle est individuelle, se fait à partir d’un désir tout à fait conscient et volontaire d’euphémiser la forme. Ici ce n’est pas la langue qui fournit des moyens analogiques de créer des mots nouveaux...

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