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Conclusion générale Géographies fin de millénaire ? Emmanuel Eveno et Claude Manzagol Le thème de l’accélération de l’histoire, des ruptures, est suffisamment récurrent pour qu’on le manie avec circonspection. Pourtant, l’extraordinaire rapidité avec laquelle se développent les TIC, l’ampleur de leurs effets directs et induits, la globalité d’une diffusion qui traverse tout le champ du social imposent l’évidence d’un nouveau paradigme techno-économique (Dosi et al., 1988). Qu’on aime ou non l’expression, on ne peut que reconnaître « cet ensemble corrélé d’innovations techniques, organisationnelles et gestionnaires » de nouveaux produits, de nouveaux procédés et d’une formidable capacité de réduction des coûts de production, de distribution, de gestion. Le choc est si grand que nous avons une claire conscience de vivre une extraordinaire révolution ; depuis ses origines, l’humanité a été dominée par l’énergie ; désormais, nous sommes tributaires de l’information : on peut à bon droit parler de société informationnelle. Nul déterminisme technique dans ce constat ; les TIC sont le produit de la société tout autant qu’elles l’imprègnent et la façonnent dans une interaction d’une complexité extrême que cerne bien l’ironie de Kranzberg (1985) pour qui les TIC ne sont ni positives ni négatives, mais surtout pas neutres. Castells a depuis longtemps souligné leur rôle dans la restructuration du système capitaliste ; dans son plus récent ouvrage (Castells, 1996), constatant la subversion du 332 Autoroutes de l’information et dynamiques territoriales sujet, la dialectique de la globalisation et de la fragmentation, il place au cœur de la problématique la tension entre le Réseau et le Soi. Le consommateur fait l’extraordinaire expérience de la loi de Moore : tous les 18 mois, le rapport prix-performance de l’ordinateur qu’on lui propose baisse de moitié. Les pouvoirs publics vivent cette formidable symbiose de la micro-électronique, 1’opto-électronique, de l’informatique, comme opportunité, menace et défi. L’enjeu et l’urgence suscitent le foisonnement des politiques, le jaillissement des expérimentations dont les chapitres précédents ont fait l’inventaire. Les analyses ont clairement remis en question les ambitions, les outils, les résultats. 1. DE L’AUTOROUTE L’introduction du chapitre 1 d’Alain Lefebvre notait avec bonheur la puissance et la perversité de la métaphore. Elle impose irrésistiblement l’idée de modernité, de vitesse fulgurante, de flux massifs, et matérialise la convergence d’espace-temps. Mais elle véhicule, au moins de façon subliminale, une topologie trompeuse, de linéarité, d’axes lourds, d’échangeurs, d’effets de tunnel, d’effets structurants. C’est une imagerie« Ponts et Chaussées » de constructions pyramidales, de modèles verticaux. La topologie des TIC n’est pas celle du réseau routier ; elle tient beaucoup plus du foisonnement neuronal, de la multiplicité des entrées, de l’infinie variété des cheminements, des contacts, des raccourcis. Cette différence renvoie à la judicieuse comparaison que Leo Scheer (1994) a établi entre le Minitel et Internet : Du côté Internet, la topologie aléatoire des réseaux locaux de fanatiques d’ordinateurs. Du côté Minitel, l’ordonnancement de l’annuaire téléphonique. Ici une tarification anarchique de services incontrôlables, là un système de kiosque qui permet une tarification homogène et une répartition des revenus dans la transparence. D’une part, le déracinement et le fantasme des connexions généralisées par dessus les frontières et les cultures, de l’autre la version électronique de l’enracinement communautaire. L’ancêtre de l’Internet a été financé par l’État américain, mais la volonté de décentralisation originelle a préparé la vocation mondiale et l’interconnexion généralisée. Les énoncés de politique, tant au Canada qu’en France, affirment l’intangibilité du territoire national et le rôle fondamental des TIC dans la protection de l’identité et de la souveraineté de la nation. Le gouvernement du Québec entend mobiliser les TIC pour affirmer son caractère français et nourrir une solution de rechange à la standardisation culturelle en [3.138.101.95] Project MUSE (2024-04-25 17:42 GMT) Géographies fin de millénaire ? 333 Amérique du Nord. Au fond, on s’accorde à reconna...

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