In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Chapitre 5 L'approche décentralisée et le développement régional au Québec : perspectives et limites Juan-Luis Klein Au Québec, comme ailleurs, les rapports de l’État au territoire ont été fondamentalement modifiés pendant les années 1980. Plusieurs champs de compétence du gouvernement du Québec ont été affectés par ce changement et ceux du gouvernement fédéral suivent une tendance comparable. On pourrait souligner, par exemple, le cas de la santé et des services sociaux, de la culture, du tourisme et, en fait, de la plupart des secteurs de la sphère sociale de l’action étatique. Dans tous ces cas, on aperçoit une double tendance : d’une part, le transfert de responsabilités au secteur privé et, d’autre part, la création de dispositifs politiques et administratifs territoriaux de planification et de gestion de l’offre des services. Le secteur qui nous semble le plus révélateur de cette nouvelle attitude gouvernementale à l’égard du territoire est celui du développement régional lui-même, où plutôt de la gestion du développement régional. Les changements aussi bien dans le discours que dans les politiques et programmes formulés par le gouvernement à l’égard des régions révèlent, à notre avis, l’évolution des rapports entre l’État et les citoyens ainsi que l’évolution dans les instances de médiation entre la sphère publique et la sphère privée1 . 1. Cet aspect a été abordé dans P. Hamel et J.-L. Klein, « Le développement régional au Québec : enjeu de pouvoir et discours politique »., dans M.-U. Proulx (dir.), Le phénomène régional au Québec, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 1996. 94 Autoroutes de l’information et dynamiques territoriales Il nous paraît donc important d’analyser davantage cet aspect, d’abord, en le replaçant dans le contexte plus global de l’adaptation des stratégies de développement régional à un univers économique dominé par la mondialisation et la localisation, ou, comme le diraient d’autres auteurs, par la globalisation et l’atomisation2 . Ensuite, nous examinerons l’évolution du développement régional au Québec, notamment en ce qui concerne l’adoption d’une approche décentralisée, qui interpelle les acteurs locaux, ce qui nous amènera à mieux dégager la tendance combinée à la privatisation et à la territorialisation que traverse la gestion publique québécoise. Puis, l’exemple du Saguenay-Lac-Saint-Jean, et plus concrètement de la Société en commandite de création d’entreprises (SOCCRENT), nous fournira une illustration des perspectives et des limites du modèle de développement régional implanté au Québec pendant la dernière décennie, aussi bien en ce qui concerne l’intégration à la nouvelle économie mondialisée, qu’à la solution des problèmes socio-économiques des citoyens des populations régionales. 1. DÉCENTRALISATION ET PRIVATISATION : LES DEUX PÔLES DE LA GESTION DU DÉVELOPPEMENT Les nouvelles orientations du développement régional, auxquelles adhèrent la plupart des stratèges du développement régional, s’inspirent d’une nouvelle vision du rôle de l’État et des communautés locales. D’une approche centralisée et universaliste, on est passé à une approche décentralisée et localiste. Et cette nouvelle approche ne se réduit pas à des réformes administratives spécifiques, mais elle se déploie à travers un ensemble de pratiques, toutes vouées à diminuer le rôle de l’État dans l’exercice du développement. Or, l’approche décentralisatrice, aussi bien au Québec qu’ailleurs, inspire des réactions controversées. Certains y voient l’expression voilée d’une stratégie de désengagement gouvernemental et d’abolition des programmes sociaux inspirée uniquement par le désir de soulager les finances de l’État, alors que d’autres y voient un pas vers des modalités plus démocratiques et équitables d’exercice du pouvoir politique. 2. Dans ce cas, le choix du vocabulaire est significatif. La notion de globalisation occulte la responsabilité des acteurs économiques et des pouvoirs politiques dans un processus qui se traduit par l’érosion progressive de la souveraineté des États-nations. La notion de mondialisation, au contraire, met l’accent sur le rôle des grandes puissances économiques et dénonce les effets sur...

Share