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Le contrôle de l’économie Bien au-delà des motivations nationalistes, il y a des raisons très logiques et économiquement rationnelles pour protéger et accroître la mainmise d’une économie par des entrepreneurs autochtones. D’abord, même s’il se fait en partie au plan international, le développement d’une entreprise aura toujours un impact sur les activités de son siège social sauf dans le cas des très grandes multinationales. Il ne faut pas négliger aussi la tendance qu’ont les entreprises à concentrer une grande partie de leur R-D dans le pays et même la ville où se trouve leur siège social. Les activités de R-D ont des effets d’entraînement importants ; de plus, leurs résultats sont susceptibles de profiter plus aux usines qui seront proches des laboratoires où la R-D est effectuée. Sans que cela soit prévisible à l’aide de la théorie économique, on constate que les rationalisations dans les entreprises se font rarement aux dépens des activités du pays où se trouvent les principaux actionnaires de la compagnie. Montréal, depuis quelques années, a fait amplement les frais de la rationalisation des activités des entreprises à propriété étrangère. Il est probable que l’usine de Gillette n’aurait pas cessé ses activités si elle avait été sous contrôle québécois. Une entreChapitre 10 Développer de grandes entreprises québécoises I 158 Chapitre 10 prise qui est dans un secteur en décroissance, se diversifiera d’abord dans son pays d’origine. Par exemple, à la suite du déclin du marché de la motoneige, plusieurs entreprises ont cessé leurs activités. Bombardier a rationalisé sa production, s’est réorientée dans de nouveaux secteurs et, comme résultats nets, l’entreprise a contribué à créer plus d’emplois. Comme le dit d’ailleurs son président : « on s’est retranché au Québec et on s’est demandé quoi faire1 . » Les profits et les liquidités engendrés par une entreprise, de même que ses possibilités d’emprunt ou de levées de fonds par l’émission d’actions, forment sa capacité de développement à long terme. Inévitablement, une grande partie de ceux-ci, dans le cas des entreprises sous mainmise étrangère, seront rapatriés par la maison-mère pour d’autres investissements ou pour distribution aux actionnaires. Il y a de fortes chances pour qu’une économie profite plus des capacités de développement des entreprises dont la propriété est autochtone. Avec ses liquidités et ses possibilités de développement, Bombardier a acheté et développe Canadair. Il ne faut pas négliger non plus le fait que les entreprises auront plutôt tendance à s’approvisionner auprès des autres entreprises qu’elles connaissent bien et qui font partie de leur environnement : cela fait partie des régulations informelles de l’économie. Comme le signale Claude Blanchet, le président du Fonds de solidarité, dans le cas d’un changement de propriété d’une entreprise,« la PME aura moins de contrats de sous-traitance si le siège social déménage. Et, à terme, on verra moins de PME se créer, car localement, il n’y aura plus de synergie2 . » La théorie économique n’a jamais accordé beaucoup d’importance à la question de la propriété des entreprises. Le nationalisme fait partie, dans tous les pays du monde, y inclus au Canada anglais et plus spécifiquement à Toronto, de ces régulations non automatiques et informelles de l’économie qui sont tout aussi importantes que les régulations automatiques. L’économie est une science sociale et, de ce fait, se doit de tenir compte des comportements humains. Même dans un contexte de grande mobilité du capital et de son internationalisation, la propriété du capital a un rôle essentiel à jouer. Peut-être même n’a-t-elle jamais eu autant d’importance qu’à l’heure 1. Propos recueillis par M.-A. THELLIER, dans le Magazine PME, mars 1989, p. 52. 2. M.-A. THELLIER, op. cit., p. 55. [18.191.181.231] Project MUSE (2024-04-25 16:21 GMT) Développer de grandes entreprises québécoises 159 actuelle, alors que les avantages comparatifs basés sur les ressources naturelles sont en train de devenir de moins en moins importants...

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