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Du mensonge à la vérité crue Baissé par Staline au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale sur toute l’Europe de l’Est, de la Baltique à l’Adriatique, le rideau de fer, sous l’impulsion de Mikhaïl Sergueevitch Gorbatchev, se lève aujourd’hui sur un spectacle déroutant. Le décor est fatigué et les acteurs sont épuisés. Soixante-douze ans de socialisme ont engendré le chaos et la pauvreté. Au terme de ce siècle qui s’est ouvert avec la grande Révolution d’octobre 1917, l’Union soviétique se retrouve à des annéeslumi ère du bonheur promis aux prolétaires. L’étonnant, c’est l’éclairage cru et trop direct que les Soviétiques projettent sur leurs échecs. Ils ne cherchent plus à cacher la vérité. Bien au contraire, ils étalent leurs erreurs avec une sorte d’impudeur, une franchise désarmante et parfois même brutale. En quatre ans de perestroïka, ou de restructuration de l’État, l’Union soviétique a désappris la langue de bois. Le phénomène est renversant. La glasnost, ce désir d’ouverture qui succède à la vieille obsession propagandiste, frappe en plein visage l’étranger fraîchement débarqué en sol communiste . Hier encore ennemis jurés, Soviétiques et Occidentaux devisent et débattent aujourd’hui librement, en pleine rue de Moscou, des mérites comparés du socialisme et du capitalisme. Le miracle dont l’humanité avait presque fini par désespérer s’est opéré. Après un demi-siècle d’hostilité et de guerre froide, par-delà des régimes antagonistes dont chacun a cherché la perte de l’autre, l’Est et l’Ouest se rapprochent, se retrouvent. L’ère du mensonge est bien révolue. Du député du peuple au simple citoyen, de l’apparatchik au petit fonctionnaire, de l’intellectuel au prolétaire, de Gorbatchev à Ivanov, un nombre fascinant de Soviétiques parlent aujourd’hui le langage de la vérité. Sans réserve et sans détour, ils débitent avec des mots souvent terriblement durs et cassants les méfaits de la dictature du parti unique comme autrefois ils en louaient les bienfaits. Au cours d’entrevues réalisées dans cinq républiques soviétiques avec une quarantaine de personnalités, les critiques les plus sévères ont été énoncées sur le régime communiste décrit sans ménagement par certains comme «70 ans de vide ».« Nous avons honte »« La collectivisation des terres a détruit notre agriculture, c’est la collectivisation qui est responsable de ce que le pays n’a plus rien à manger. »« Le système socialiste a fait des travailleurs des voleurs et des filous. »« L’hypocrisie fait partie des moeurs politiques, c’est ce qui caractérise le mieux le style de gouvernement communiste. »« Le collectivisme, c’est l’oppression de l’individu par le groupe. »« Le bloc de l’Est craque de partout, la Hongrie et la Pologne ont déjà déserté le camp socialiste. »« Le système à un seul parti, on en a fait l’expérience et on en voit les conséquences, maintenant il faut essayer le multipartisme. »« Le communisme, c’est un flop historique, c’est fini. » Voilà autant de jugements définitifs et sans appel qu’aucun Occidental n’oserait énoncer de façon aussi verte et catégorique. « Nous avons honte d’entreprendre le XXIe siècle dans la misère et la pauvreté », déclare à sa résidence d’Erevan, en Arménie, 10 [3.145.15.205] Project MUSE (2024-04-18 23:57 GMT) l’écrivain Karen Simonian élu le 26 mars au premier Congrès des députés du peuple de l’URSS. « Si on n’avait pas levé le rideau de fer, si on n’avait pas libéralisé le régime, nous serions peut-être déjà morts d’asphyxie », lance pour sa part un autre député du peuple de l’URSS, Mikhaïl Poltoranine, ancien rédacteur en chef de la Pravda de Moscou. Glasnost n’est pas synonyme de démocratie Dans toutes les conversations, les dates charnières qui ont conduit le pays au bord de l’abîme reviennent comme des leitmotive. 1924, mort de Lénine ; Staline s’installe au pouvoir. 1927, collectivisation forcée de l’agriculture ; les koulaks sont dépossédés de leurs terres et les...

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