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En URSS, apportez tout sauf vos petites habitudes Le paysage qui défile à la vitesse de la locomotive est étonnamment familier. Les rangées serrées de grands pins touffus alternent avec les plantations d’érables et les îlots de bouleaux noirs, les fameux beriozkas qui ont donné leur nom aux boutiques pour étrangers. C’est le petit matin. Parti à 23 h 30 de Leningrad, le train doit entrer en gare à Tallin, capitale de l’Estonie, à 6h30. Dans le compartiment, les trois autres passagers, deux Russes et une Américaine végétarienne, nostalgique de Kerenski, chef du gouvernement provisoire de la Russie de juillet à octobre 1917, dorment à poings fermés sur la banquette de cuir, bien enveloppés dans le kit de couchage des chemins de fer. Une partie de la nuit s’est passée à réécrire l’histoire de l’Union soviétique. L’Américaine, socialiste de conviction tout à l’euphorie de la perestroïka, n’a cessé de spéculer sur ce que serait aujourd’hui l’URSS si Kerenski s’était maintenu au pouvoir contre les bolcheviks de Lénine.«Kerenski et Lénine sont originaires du même patelin, intervient Alexey Lipovetsky, de l’agence de presse Novosti. Les deux sont nés à Simbirsk, sur la Volga, devenu Oulianovsk en l’honneur de Lénine, Vladimir Oulianov de son vrai nom. Alexandre et Vladimir ont fréquenté la même école. Au gymnase, ils partageaient la même table », continue celui dont la grand-mère a été une proche collaboratrice du fondateur du Parti communiste et de l’État soviétique. Au dehors, de Moscou à Vilnius, en Lituanie, en passant par Leningrad, le paysage d’épaisses forêts et de riche verdure se répète. À l’intérieur, les compartiments, convenables sans être ultraconfortables, peuvent loger de deux à quatre personnes. Une petite table installée contre la fenêtre entre les banquettes permet aux passagers de casser la croûte. Malgré la disparition du samovar qui a cédé la place à la bouilloire électrique dans les wagons, le thé fait toujours partie du voyage. Les passagers sirotent l’infusion en s’échangeant les journaux, la Pravda contre les Izvestia, Troud contre Soviet Estonia. Entre Tallin et Vilnius, un Biélorusse qui vient d’enterrer son frère sort ses photos de famille. Ils étaient jeunes les frangins à cette époque-là. Ils doivent être nés avec la Révolution. On coupe le papier en quatre Le fait de se retrouver quatre étrangers dans le même compartiment ne gêne personne. Chacun fait sa petite affaire le plus discrètement possible. Le grand désagrément des trains soviétiques, ce sont les toilettes. Il faut bien regarder où on met le pied et avoir fait bonne provision de papier. Tout ce qui s’appelle papier d’ailleurs en URSS est d’une extrême rareté : qu’il s’agisse de papier ou de serviettes hygiéniques, de mouchoirs ou de serviettes. À la salle à manger ou au restaurant, on coupe en quatre les serviettes de papier tellement il faut économiser. Hormis ces petits désagréments, voyager en train en Union soviétique est somme toute agréable et les tarifs sont abordables. Le trajet Moscou-Leningrad dans un compartiment à deux places coûte 37 roubles (65 $) ; il n’en coûtera, par contre, que 21 roubles (38 $) pour un parcours presque deux fois plus long entre Tallin et Vilnius si vous acceptez de dormir à quatre. Les tarifs aériens sont tout aussi raisonnables. Le vol de deux heures et demie qui relie Kiev, en Ukraine, à Erévan, capitale de l’Arménie, coûte 38 roubles (68 $). Le service, il est 68 [18.221.53.209] Project MUSE (2024-04-25 08:02 GMT) vrai, est déficient. Entre Kiev et Erévan, l’hôtesse ne passera qu’une fois pour offrir un verre d’eau aux passagers. Mais la grande surprise de ces vols n’est pas tant l’absence de service, généralisée en URSS, que le désordre des départs presque toujours retardés de quelques heures. Quand les Soviétiques voyagent, on a’ l’impression qu’ils déménagent tant ils emportent avec eux de colis et de malles. Les bagages, approximativement pesés, sont souvent expédiés dans une atmosphère de confusion. L’étonnant, c’est de voir les appareils lever malgré l’apparente surcharge et de retrouver...

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