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Finis les ordres de Moscou Les républiques soviétiques de la Baltique en ont ras le bol de Moscou. Elles ne veulent plus de ses marionnettes à la tête de leurs États. Elles ne veulent plus recevoir d’ordres ni demander de permissions. Bref, elles veulent traiter d’égal à égal avec la capitale. L’Estonie et la Lituanie, qui mènent le bal pour l’indépendance économique et l’autonomie politique, affichent les niveaux de vie les plus élevés de toutes les républiques soviétiques. « Avant la guerre et l’annexion forcée à l’URSS en 1940 », rappelle avec nostalgie Olev Lugus, directeur de l’Institut d’économie à l’Académie des sciences de l’Estonie, «notre pays avait un niveau de vie supérieur à celui de la Finlande. Aujourd’hui, la Finlande occupe le douzième rang au monde et chez nous les magasins sont vides. » L’Estonie, la Lettonie et la Lituanie, qui se targuent d’être cinq ans en avance sur le reste de l’Union pour la glasnost et la perestroïka, ne veulent plus être considérées comme des colonies par le gouvernement central. Elles veulent avoir leur mot à dire dans les décisions susceptibles de les affecter. Un premier pas dans cette direction a été franchi le 27 juillet quand le Soviet suprême de l’URSS a adopté le projet de loi sur l’autogestion autorisant les trois baltes à aller de l’avant avec leur programme de réforme économique, dont le mot clé est la décentralisation administrative. Dans l’état actuel des choses, en Estonie, 35% des entreprises sont contrôlées par Moscou, tandis que 10% seulement sont administrées par le gouvernement de la république. C’est cet ordre « absurde » de choses que veulent renverser les Estoniens pour devenir maîtres chez eux.« Nous réclamons un authentique gouvernement local et le droit de participer à toutes les discussions engageant l’avenir de l’Estonie », explique Rein Veideman, président du Front populaire national (FPNE) pour la perestroïka. Des prix insensés Un des domaines qui suscite le plus de mécontentement, et ce depuis fort longtemps, c’est la politique des prix imposée par Moscou sans égard aux coûts de production. « Le prix du lait n’a pas changé depuis 20 ans en Union soviétique, c’est inouï », lance sur un ton mordant Algimantas Cekuolis, député du peuple au Congrès de l’URSS et éditeur du bihebdomadaire à tendance nationaliste La Patrie. « Cinq fois plus coûteux à produire que l’eau minérale, enchaîne-t-il, le lait se vend moins cher que l’eau Borjomi. Par contre, pour acheter un pneu dont le prix de revient est de 10 roubles (18 $), nous devons en débourser 110 (198 $), soit 11 fois plus. Même chose pour les voitures. Une Volga, qui coûte 1 700 roubles (3 060 $) à produire, se détaille 17 000 roubles (30 600 $) sur le marché d’État et va chercher 60 000 (108 000 $) sur le marché noir. Il est grand temps qu’un terme soit mis à toutes ces sottises. » Même son de cloche de la part de Olev Lugus : « L’Estonie exporte la moitié de sa production agricole dans les autres républiques. Un kilo de viande rouge, qui coûte 5 roubles 30 kopecks à produire, se vend 1 rouble 75 kopecks au consommateur. Il en va de même pour l’énergie électrique. Plus nous exportons vers les autres républiques, plus nous nous appauvrissons. » Mais les prix ne sont qu’un aspect des problèmes économiques que vit l’Estonie. Le plus grave, c’est la rareté des produits comme partout ailleurs en Union soviétique. « Même si je possé32 [3.16.29.209] Project MUSE (2024-04-26 02:26 GMT) dais les 60 000 roubles pour une Volga sur le marché noir, insite Cekuolis, encore faudrait-il dénicher l’oiseau rare. » La disponibilité des produits est en fait devenue un tel casse-tête que certaines républiques comme l’Estonie ont décidé de recourir aux grands moyens pour protéger leur marché intérieur des « prédateurs » étrangers. C’est ainsi que dès janvier, seuls les citoyens estoniens détenteurs d’une carte Visa émise par l’État pourront se procurer certains biens durables et de consommation courante. Une mesure qui vise à empêcher les ressortissants des républiques...

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