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Les républiques baltes ont le vent dans les voiles Depuis toujours considéré comme une hérésie en pays communiste, le nationalisme est devenu en un an la vertu cardinale dans les républiques de la Baltique. Il a relégué au second plan tous les vieux dogmes, y compris celui de la primauté du parti dans la vie de la nation. Le nationalisme a si bien conquis le coeur et la tête des 5,5 millions d’Estoniens, de Lettons et de Lituaniens de souche sur les 8 millions que comptent les trois États baltes, que si Moscou s’avisait de se mettre en travers de leur route vers l’autogestion et l’autodétermination, tout indique qu’ils n’hésiteraient pas longtemps. Ils claqueraient la porte au nez du grand frère communiste. La perestroïka les a transformés. Le regard résolument tourné vers la Suède et la Finlande de l’autre côté de la Baltique, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont le vent dans les voiles. L’affirmation nationale est devenue leur préoccupation majeure, leur seul et unique sujet de conversation. Portés par une sorte d’euphorie, ils se débarrassent un à un des vieux oripeaux russes et soviétiques, et retrouvent leur langue, leur drapeau, leur hymne national, leurs héros et leurs églises. Ils« dérussifient » les noms de leurs rues et les « baltisent ». Ainsi, à Vilnius, Lénine a perdu son avenue au profit du grand duc Guediminas qui, en 1933, y transféra la capitale de la Lituanie.« Moi, je peux vous dire avec 60% de certitude que si le gouvernement central refuse de donner du lest, les pays baltes vont proposer la séparation d’avec l’URSS », déclare au cours d’une entrevue Olev Lugus, directeur de l’Institut d’économie à l’Académie des sciences de l’Estonie. Même appréciation de la part de Saarniit Jaak, secrétaire du Comité du parti de la ville de Tallin. « Si le gouvernement de l’URSS ne laisse pas l’Estonie libre de suivre la voie de son choix, dit-il, je crains devoir vous dire que tous les Estoniens vont se prononcer pour la sécession. » Dans ces trois pays nordiques baignés par la mer Baltique, la première loyauté des membres des partis communistes locaux n’est pas envers Moscou. « Le Parti communiste de Lituanie fait bloc avec le peuple », annonce la première secrétaire pour le district Lénine à Vilnius, Janina Gagiliene, qui lutte pour la décentralisation du PC soviétique. « Si le parti n’est pas avec le peuple en Lituanie, insiste-telle , le peuple le répudiera. Il n’en voudra plus. » Une telle explosion du sentiment national n’est pas sans créer de remous. Ses victimes toutes désignées sont nulles autres que les russophones. En Estonie, ils forment avec les autres non-Baltes 40% de la population totale de la république. En Lettonie, ils dépassent les 50% réduisant les Lettons à l’état de minorité sur leur propre territoire. En Lituanie, où ils ne sont que 10%, le problème de leur présence ne se pose pas avec la même acuité. C’est en Estonie et en Lettonie que la situation est en train de devenir tragique. À Tallin, la capitale de la plus nordique des républiques baltes, les Estoniens sont minoritaires ; à Narva, une ville de 50 000 habitants, ils représentent à peine 10% de la population, et à Kohtlagarve, une agglomération de 30 000 habitants, les Estoniens de souche ne comptent que pour 20%. Apartheid baltique La forte concentration de Russes dans les villes estoniennes s’explique par le fait que la majorité d’entre eux travaillent 28 [18.226.222.12] Project MUSE (2024-04-25 01:45 GMT) dans des entreprises sous la dépendance directe de Moscou et dont la plupart sont installées dans les grands centres. De notoriété publique, les Russes en Estonie ne font pas partie de l’intelligentsia du pays. Employés majoritairement dans la métallurgie et les chantiers navals, ils forment le gros de la classe ouvrière estonienne. « Nous sommes responsables de plus de 50% de la production nationale de l’Estonie et nous sommes traités comme des citoyens de second ordre », s’indigne Oleg Morozov, un des leaders du Front international (FI) qui revendique l’égalité linguistique et un...

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