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Rendez-vous raté avec le peuple Mikhaïl Gorbatchev a raté son rendez-vous avec le peuple de son pays. Il a laissé passer le temps d’agir. Aujourd’hui, il est trop tard. La situation économique s’est trop détériorée. L’heure de la perestroïka est passée.« On a perdu du temps. » Ces cinq mots sont sur toutes les lèvres : ils reviennent dans toutes les conversations comme une lamentation, une faute que l’on craint de payer très cher. « La perestroïka économique n’a pas eu lieu », constate avec amertume le député de Moscou et membre du groupe interrégional, Mikhaïl Poltoranine. « En cinq ans, rien n’a été fait pour redresser la situation. Il fallait redistribuer la terre aux paysans, assainir les rapports économiques à la campagne, encourager le développement du secteur coopératif, créer un marché, restructurer l’industrie légère, réduire les commandes militaires, augmenter la production civile. Nos usines ne sont pas équipées pour produire la petite machinerie. Il faut les repenser pour fabriquer nousm êmes les petits tracteurs dont nos fermiers ont besoin. » Le secteur de l’agriculture en particulier est en déroute. « Quarante-deux pour cent des kolkhozes et des sovkhozes (fermes collectives et fermes d’État), non seulement ne sont pas rentables, mais engloutissent des ressources considérables, souligne Poltoranine. Si l’État avait agi il y a deux ans, le pays serait déjà en mesure de se nourrir. » Ces fermes, dont les réformateurs préconisent la subdivision en sections, couvrent des centaines de milliers d’hectares dans la partie européenne de l’URSS et emploient jusqu’à 1 500 paysans. « Il est difficile de décrire un kolkhoze typique, signale l’économiste Vladimir Kamaev. Ils sont très grands en Ukraine et en Biélorussie, et gigantesques au Kazakhstan. » L’avenir de la terre inquiète vivement le professeur Kamaev. « La collectivisation a détruit les habitudes de travail de la population rurale. Même si on promettait une vie plus aisée et plus heureuse aux kolkhoziens, un grand nombre d’entre eux refuseraient de devenir fermiers. Le kolkhoze les garantit contre l’imprévu. Sur une terre en location, ils ne peuvent compter que sur leurs propres moyens. » Pessimisme généralisé Même pessimisme du côté de la réforme des prix. « Il y a cinq ans, l’État aurait pu, par un seul décret, introduire une réforme des prix », estime le titulaire de la chaire d’économie à l’Université technique de Moscou. « Aujourd’hui, c’est exclu. La situation politique est trop tendue et l’économie trop déséquilibrée. La plus petite mesure risquerait de provoquer une poussée inflationniste sans précédent. Si l’on majore le prix de la houille, il va peut-être falloir hausser celui des pommes de terre et ainsi de suite. » Mais le problème principal de l’économie soviétique n’est pas l’argent, argumente le professeur. C’est l’inefficacité de la maind ’oeuvre et la pénurie de produits. Tout est en manque. « Le kolkhozien ne peut pas réparer sa maison, non parce qu’il manque de roubles, mais parce que les matériaux font défaut. L’argent est le seul bien non déficitaire en URSS, ironise Vladimir Kamaev. Il y en a beaucoup trop en circulation pour la quantité de marchandises produites. » Une production sans rapport avec les ressources utilisées, c’est ce qui expliquerait d’ailleurs l’énorme déficit du gouvernement central estimé à 120 milliards de roubles, soit plus de 25% du budget national de 430 milliards. Quant à l’épargne, évaluée à 315 milliards de roubles, sa principale caractéristique résiderait, comme dans les pays sous-développés, dans sa concentration entre les mains 24 [18.226.222.12] Project MUSE (2024-04-25 10:30 GMT) de 10% de la population. «Cela illustre bien l’incroyable écart de revenus entre les gens, et partant l’échec de la société égalitaire », commente Kamaev. Le sabotage des apparatchiks Toutefois, si de l’avis de plusieurs, Mikhaïl Gorbatchev a manqué son rendez-vous avec l’histoire soviétique, ce n’est pas uniquement en raison de la crise que traverse l’économie. C’est aussi sa lenteur à agir qui a permis aux forces d’opposition à la perestroïka de s’organiser. Selon le déput...

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