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Chapitre 7 André Siegfried et sa vision du Canada comme « puissance internationale » I Quand l’éditeur Armand Colin publie Le Canada, puissance internationale en 1937, son auteur a 62 ans, soit exactement le double de l’âge qu’il avait au moment de la parution, chez le même éditeur, de Le Canada, les deux races, en 1906. Il était alors au sommet de sa notoriété, qu’avait consacrée en 1932 et 1933 son élection à l’Académie des Sciences morales et politiques et au Collège de France. Siegfried était alors en pleine maturité par comparaison avec le débutant, auteur d’un premier livre, abstraction faite de ses thèses de doctorat. Il n’y aura pas eu d’édition revue ou augmentée de ce premier livre, qui paraîtra déphasé après une trentaine d’années. Son deuxième livre, longtemps attendu, sera d’une conception passablement différente. Le titre quelque peu emphatique, Le Canada, puissance internationale , montait en épingle la mutation survenue dans la dernière génération. Au début du siècle le Canada, qui avait suscité chez Siegfried une curiosité ardente et conséquente avec elle-même au point qu’il lui consacra un livre après un séjour de recherche d’une année, était encore, malgré sa taille continentale, une colonie de l’Empire britannique. Mais cette colonie, immense et sous-peuplée, était contiguë au plus puissant État du monde qu’elle dépassait même en étendue. En outre, son maigre tissu humain se divisait principalement selon une dualité 128 Chapitre 7 profonde, celle de deux races, ce qui constituait le fait majeur de cette société. Sans diminuer l’importance de cette caractéristique de base, l’accent serait mis dans le deuxième ouvrage sur les virtualités de l’entité canadienne globale, devenue effectivement indépendante et capable de se projeter dans l’environnement international, d’y prendre place. La question de la position du Canada sur l’échiquier mondial commençait à se poser pendant ces troublantes années de 1935-1937, alors que tous les prodromes d’une grave crise internationale étaient déjà réunis et assombrissaient particulièrement le ciel européen. Les problèmes surgissant de la dynamique interne de cette composition biethnique, le rôle central de l’Église spécialement au Canada français, les questions relatives à la survie linguistique des parlants français, tout cela sera encore évoqué mais guère plus, car c’est la nouvelle dimension du Canada, globale et extérieure, qui semble alors attirer jusqu’à la fascination notre auteur. Voilà le fait essentiel à faire ressortir : le Canada, si énorme à l’échelle géographique européenne, n’est déjà plus une colonie ; il est en train de se muer littéralement en puissance internationale. Tout le monde doit s’en aviser, à commencer par les Canadiens eux-mêmes, ainsi pense André Siegfried qui met en chantier un livre pour en administrer la preuve. Ce qu’on peut appeler la première phase canadienne de la carrière de Siegfried, culminant dans l’ouvrage de 1906, avait débuté par ses premiers voyages de 1898 et de 1901 complétés par le long séjour de 1904, mais avait aussi été prolongé jusqu’à la visite de 1914 qu’interrompit sa rentrée précipitée en France à l’ouverture des hostilités. La deuxième phase canadienne, aussi marquée par la survenance d’un autre conflit mondial, se subdivise, elle aussi, en trois temps. Le séjour de 1935 permet de recueillir le matériel (documentation, visites, entretiens) pour le livre achevé et prêt à être publié en 1937. Mais, dès la fin de la conflagration universelle, à l’été 1945, Siegfried est, de nouveau, au Canada pour fins d’enquête après avoir visité les États-unis. Il donnera en 1947 une édition remise à jour de la première version parue dix ans plus tôt. Ce sont ces textes successifs dont le présent chapitre veut rendre compte, en attirant d’abord l’attention sur la première version de 1937, sans oublier de rappeler sommairement au passage d’autres éléments valant d’être signalés dans la vie et la production intellectuelle d’André Siegfried. Enfin, comme ce deuxième livre de Siegfried est aussi un ouvrage complet et bien composé, son résumé ne présente pas de difficult...

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