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DISNEY ET L’EXPÉRIENCE CULTURELLE CHARLES PERRATON Professeur titulaire, Département de communication sociale et publique, Université du Québec à Montréal L’œuvre de Disney m’intéresse en tant qu’expérience culturelle, autant du point de vue du créateur de cet univers – puisque c’est de cela qu’il s’agit: un univers fait d’une somme impressionnante de productions culturelles (audiovisuelles et spatiales) et de produits dérivés1 – que de celui de son public. Disney, c’est aussi un univers de sens qui pourrait être résumé par l’expression canonique bien connue: «Le monde merveilleux de Disney»; un monde merveilleux qui, on le verra, a su se matérialiser dans des espaces aménagés. La consommation des produits culturels de Disney nous expose à beaucoup plus que de simples représentations idéologiques et de futiles plaisirs esthétiques; elle nous introduit dans un monde où les croyances et les désirs sont homogénéisés au profit d’une mondialisation des pratiques et de l’imaginaire des individus. Avec d’autres grandes entreprises, comme McDonald’s, Nike et Benetton, Disney a largement conquis le monde et contribue aujourd’hui à la production d’une culture qui dépasse largement les frontières du pays où l’entreprise est née. Je ne compte pas m’intéresser ici au contenu et à la forme des messages explicites et implicites ni aux dimensions économiques et organisationnelles de Disney. C’est plutôt la forme spatiale et les effets de pouvoir de certaines productions culturelles qui retiendront mon attention. 1. Au total, 6 000 produits dérivés et une centaine de manufacturiers furent associés au film Hercules (1997). Dès la fin de 1996, furent lancées les bandes-annonces sur les vidéocassettes de Toy Story (21 millions de copies) et du Bossu de Notre-Dame (10 millions de copies). New York fut mis à contribution lors du week-end précédant la première du film, du 13 au 15 juin 1997, avec «The Hercules Electrical Parade» à Manhattan. 88 Les médias québécois sous influence? La matérialisation du rêve «disneyen» fera l’objet de mon analyse; ce rêve que Walt Disney énonçait en ces termes: «Je veux que Disneyland soit le plus merveilleux endroit de la terre, et qu’un train en fasse le tour2.» Tout son programme se trouve réuni dans cet énoncé: transformer la terre en«un monde merveilleux», dont il ne restera plus qu’à faire le tour… Il faut noter en effet que Walt Disney développa très tôt une étonnante passion pour les miniatures ferroviaires. Dès 1949, à sa nouvelle maison californienne d’Holmby Hills, il fit construire dans son jardin un petit train3 pour amuser ses filles et ses amis. C’est d’ailleurs en leur faisant faire un tour à bord du Carolwood Pacific Railroad que lui est venue l’idée d’inclure un chemin de fer dans ses plans pour Disneyland. L’introduction de cet«engin» lui permit non seulement de changer le rapport au monde en le mettant en scène, mais aussi de favoriser l’accès au monde imaginaire en nous faisant passer d’une échelle à une autre, du monde des adultes à celui des enfants. Pour l’analyse de la matérialisation de ce rêve, j’aurai recours plus loin au concept foucaldien d’hétérotopie. Du happy end au happy place Distinguons pour commencer trois périodes marquant l’évolution du projet de Disney: 1. Du dessin animé au cinéma d’animation (1920-1937) D’abord concepteur de dessins animés, Disney devient ensuite l’un des plus grands réalisateurs de films d’animation. 2. De la fiction à l’utopie concrète (1937-1955) Alors que dans ses débuts l’œuvre de Disney est surtout faite de fictions, il travaille ensuite à la matérialisation de son univers symbolique , à la réalisation de son utopie. Comme il le dit lui-même le jour de l’inauguration de Disneyland: Bienvenue à tous ceux qui viennent dans ce happy place. Disneyland est votre pays. Ici, les plus vieux trouveront la mémoire du passé; les plus jeunes apprécieront les défis et les promesses de l’avenir. Disneyland est 2. Phrase célèbre prononcée par Walt Disney lors de la présentation de son plan aux Imagineers (en ligne; dernière consultation août...

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