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PÉRIODE DE QUESTIONS Croyez-vous à l’idée que le Québec et le Canada aient été des terrains moins fertiles à l’établissement d’une république et d’une démocratie? À une époque où l’on parle beaucoup de convergence des médias, de concentration de la propriété, la communication républicaine est-elle toujours possible? JEAN-PIERRE BOYER : La première question demanderait un long développement . C’est une question que je me suis posée lorsque j’ai fait une édition critique du livre de Thomas Paine. Comme je l’ai mentionné, il est certain que les Canadiens français et aussi les Anglais étaient sensibles aux idéaux des Lumières et à leur diffusion. À cette époque, sous le régime anglais, les Canadiens français étaient dans l’impossibilité d’occuper des postes de fonction publique, parce qu’ils étaient catholiques. Calvet, qui était huguenot1, avait été autorisé à occuper une fonction de juge de paix. Il faut tenir compte du contexte de l’époque, après la Conquête, contexte qui rendait difficile une sorte de développement de la réflexion sur les idées démocratiques. Le mérite revient en grande partie à des notables éclairés, qui étaient très sensibles à la situation. C’est d’ailleurs ces notables qui formeront les patriotes et qui remettront en question la limite octroyée au gouvernement par les autorités britanniques. Ce n’était pas un gouvernement souverain et la démocratie était tronquée. 1. Protestant français. 62 Les médias québécois sous influence? C’est dans l’apprentissage des limites du modèle parlementaire de l’époque, qui était quand même intéressant du point de vue électoral, que nous avons réalisé que les pouvoirs du parlement étaient extrêmement limités. C’est dans l’apprentissage et dans les constats de ces limites que la conscience démocratique plus vive s’est développée. L’apprentissage s’est fait dans des luttes qui ont échoué dans bien des cas, mais l’entêtement des Québécois, et le fait que le peuple québécois soit épris de justice et de liberté, tout autant que les autres peuples, a fait qu’il était normal d’en venir là. Il est certain que le niveau d’éducation politique n’était pas développé. Dans un contexte où la religion dominait et où le clergé menaçait les sympathisants des insurgés américains, en disant, par exemple, qu’on allait leur refuser les sacrements, il était difficile de créer et de participer à un espace démocratique. On évoquait aussi l’épître aux Romains de Saint-Paul qui disait que l’autorité vient du Roi et que quiconque s’oppose à l’autorité du Roi, dans ce cas le roi d’Angleterre, peut être excommunié. Donc, il y avait beaucoup d’entraves, de contraintes au-delà desquelles il fallait passer pour aménager un espace de liberté et d’expression démocratique. Ma réponse est un peu schématique, mais je pense que si l’on documente bien le supposé mythe de l’infériorisation des Canadiens français et leur non-disposition à la démocratie, on conclura qu’il s’agit d’un mythe et peut-être même d’un peu de racisme. RENÉ-JEAN RAVEAULT : Il y a aussi le fait que les Américains ont fait une révolution dite bourgeoise, tout en chassant les loyalistes qui, par la suite, sont venus s’établir au Canada. Donc, il y a eu un effet pervers sur le Canada dans le sens où il y a eu un ralentissement des idéaux américains en sol canadien. En ce qui concerne la deuxième question, conversation républicaine et convergence des médias, il faut rappeler qu’au début de la Révolution américaine l’essentiel de l’information, et sa diffusion, se faisait dans les chapelles, dans les lieux de culte protestant où les gens recevaient de l’information et où les journalistes véhiculaient l’information d’un lieu à l’autre. Ils n’étaient que les porte-parole des gens qui conversaient. La priorité était la conversation citoyenne. Pour James Carey, la fin de la conversation républicaine est arrivée à partir du moment où les journalistes ont prétendu parler au nom de l’opinion publique, qui s’exprime surtout par les sondages . Le...

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