Coopération Nord-Sud et développement: Le défi de la réciprocité

4. La coopération internationale des ONGD et le développement des communautés

4 4 La coopération internationale des ONGD et le développement des communautés Le développement des communautés au Sud est-il un objectif significatif de la coopération internationale de proximité? Comment les ONGD travaillent-elles avec cet objectif? La pratique de l’organisation communautaire telle qu’elle est développée au Québec depuis près de quatre décennies est-elle pertinente pour la coopération internationale? Quels en sont les fondements et les lignes de force? Que penser du virage socioéconomique de la dernière décennie en développement des communautés et quels sont les effets des débats autour de la notion controversée de«développement» sur les ONGD? 56 Coopération Nord-Sud et développement LE DÉVELOPPEMENT DES COMMUNAUTÉS PAR L’ORGANISATION COMMUNAUTAIRE: MISE EN PERSPECTIVE À PARTIR DE L’EXPÉRIENCE QUÉBÉCOISE Au Québec, depuis plus de quatre décennies (1965-2008), l’organisation communautaire a pris racine sous diff érentes appellations : « animation sociale » dans les années 1960, notamment avec l’expérience du Bureau d’aménagement de l’Est du Québec (BAEQ) et celle du Conseil de développement social de Montréal (CDS) ;«action communautaire» dans les années 1970 avec les groupes populaires; «organisation communautaire» avec sa consécration dans les CLSC et comme profession inscrite dans la convention collective des employés du secteur public; puis «intervention communautaire» au début des années 1980 pour qualifier le travail des groupes, organisations et réseaux appartenant au secteur communautaire (action de défense de droits), par distinction de celle pratiquée dans le secteur public; et «développement économique communautaire» et «économie sociale» dans les années 1990 pour traduire la transformation d’une partie de cette pratique. Ces 40 années de pratiques fort diversi- fiées d’organisation communautaire posent un premier ordre de questions: par-delà la diversité des pratiques, qu’est-ce qui caractérise l’organisation communautaire et qu’est-ce qui lui donne son identité et ses fondements comme pratique sociale? Quels sont les principaux repères dont disposent les «professionnels du social» pour favoriser le développement des communautés? Quelles sont les liens entre cette pratique et celle de la coopération internationale de proximité? La coopération internationale des ONGD… 57 LES FONDEMENTS ET SOURCES D’INSPIRATION DE L’ORGANISATION COMMUNAUTAIRE DANS L’EXPÉRIENCE QUÉBÉCOISE Cette pratique sociale, d’abord inspirée des mouvements sociaux et des Settlement Houses et devenue aujourd’hui une profession, tire son fondement premier de l’affirmation selon laquelle les problèmes sociaux sont de nature collective et doivent faire l’objet de solutions collectives. En effet, que ce soit dans les milieux de travail ou dans les communautés locales, des groupes sociaux ou des populations vivent des situations d’inégalités sociales et de dépendance, voire de marginalité et d’exclusion sociale (Paugam, 2007). De plus, la littérature démontre que des inégalités sont présentes dans toutes les sociétés en fonction de la classe sociale, du revenu, du niveau de scolarité, du statut professionnel et de la qualité de l’environnement social. Il est scientifiquement établi que les indicateurs de santé (par exemple l’espérance de vie) sont fortement corr élés avec les conditions socioéconomiques dans lesquelles les personnes vivent et travaillent. De tous les déterminants de la santé (hérédité, habitudes de vie, système de soins, environnement physique, environnement social), les déterminants sociaux comptent parmi les plus importants et comportent deux composantes: conditions de vie (travail , revenus, logement, etc.) et qualité des rapports humains (réseaux sociaux, participation sociale, cohésion sociale, sentiment d’appartenance, estime de soi, etc.). Ces inégalités ne sont pas le fruit du hasard: elles s’inscrivent dans des sociétés où le pouvoir économique, politique et social est détenu par une minorité. Car, même dans les sociétés qui se réclament de la démocratie depuis plusieurs siècles, celle-ci n’est pas acquise. Il faut constamment la bâtir, la rebâtir, l’élargir et l’approfondir. En outre, des luttes entre groupes sociaux se font jour autour d’un certain nombre d’enjeux liés au développement...