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L’écriture migrante et le tremblement de l’écriture dans Le fou d’Omar d’Abla Farhoud Leïla Ennaïli Université de l’Illinois à Urbana-Champaign Résumé En retraçant le parcours d’un jeune immigré enfermé dans sa folie et dans sa dépendance de l’autorité paternelle, le roman d’Abla Farhoud, Le fou d’Omar, propose une réflexion sur le devenir du Québec et la place que la société québécoise prévoit pour ses immigrés. L’étude qui suit aborde cette réflexion par le biais de l’expression «écriture migrante» et la manière dont l’auteure la commente en filigrane dans le roman. En établissant un parallèle entre folie et migration, les pensées du fou, Radwan Lkhouloud, apparaissent comme une écriture migrante à outrance, où la distinction entre les langues ainsi que leurs structures sont bouleversées. La conscience de Radwan obsédée par le retour du même le condamne à revivre les traumatismes du passé et à rester enfermé dans la douleur. S’il souffre de sa condition, il entraîne dans sa chute tous ses proches, dont son frère Rawi, qui s’oriente vers une autre pathologie puisqu’il se crée une vie de toutes pièces. La migration est également un enjeu dans la structure du roman puisque le récit migre du point de vue des immigrés à celui du «pure laine». L’analyse des liens qui unissent le personnage de Lucien Laflamme, le voisin de la famille Lkhouloud, à Radwan permet d’envisager leurs points communs et leurs différences. La difficulté à être québécois est rapprochée de la difficulté à être orphelin. L’expression «écriture migrante» prend tour à tour différents visages. Le Québec à l’aube du nouveau millénaire 215 Dans la préface de l’ouvrage Passeurs culturels : une littérature en mutation, Pierre Nepveu s’interroge sur le sens de l’expression «écriture migrante» et les deux écueils qui en découlent. Pour le paraphraser, il s’agit d’une part de la dilution du terme qui s’appliquerait alors à tout type d’écriture et, d’autre part du danger de l’«étiquette restrictive» et de la ghettoïsation en littérature (Nepveu, 2001, p. 11). Selon lui, il est possible d’éviter ces deux problèmes en «compren[ant] le terme dans une perspective dialogique» (ibid., p. 12). Le fou d’Omar, troisième roman d’Abla Farhoud, engage une réflexion sur cette expression et les trois issues possibles évoquées par Pierre Nepveu. Si le point de vue féminin est généralement privilégié dans les livres de l’auteure d’origine libanaise, elle choisit en revanche, avec Le fou d’Omar, d’explorer quatre points de vue masculins qui convergent vers une maison de Pointe-aux-Trembles, quartier montréalais où gît le corps du père de famille, Omar Lkhouloud. Lucien Laflamme, le voisin de la famille Lkhouloud, observe cette maison qui, pour lui, recèle une énigme vers laquelle il est irrésistiblement attiré. Dans la maison, seul, c’est Radwan, le fils d’Omar atteint de folie, qui se retrouve devant la nécessité paralysante d’enterrer son père. Il téléphone à son frère, Rawi, écrivain à succès résidant en Floride, mais ne parvient pas à parler. Le silence au bout du fil est pourtant suffisant pour faire passer l’onde de choc jusqu’à Key West où Rawi décode le bégaiement de son frère et se trouve lui aussi paralysé par l’irruption d’un passé dont il croyait s’être coupé. Chez Abla Farhoud, il n’est pas inhabituel d’entendre les morts. Omar le défunt fait le bilan de sa vie. Ces quatre protagonistes, Omar, Lucien, Radwan et Rawi, s’interrogent sur la difficulté qu’il y a à être un homme. Le décès du père, comme moteur du récit, les engage dans une réflexion d’ordre identitaire qui les lient intimement. La réflexion sur l’«écriture migrante» se réalise de pair avec cette question existentielle. Le roman est composé de quatre «livres» ou parties: «Le livre de Lucien Laflamme», «Le livre de Radwan », « Le livre de Rawi » et « Le livre d’Omar Lkhouloud ». Pourtant ces«livres» ne semblent pas être la transcription d’une parole écrite mais bien plutôt une transcription de leurs pensées. On gardera...

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