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La Formation du sujet à l’ère du diverissemen6 Maude BONENFANT Dérive et divertissement C’est un lieu commun de dire que les enfants sont influencés par le milieu dans lequel ils grandissent. Cependant, il est plus rare d’entendre que cette influence se manifeste tout au long de notre existence : notre environnement influe sur notre évolution, mais il est aussi vrai de dire que nous influençons notre milieu social. En fait, le sujet, considéré comme un dispositif à actualiser dans un espacetemps et dans l’action, est traversé par des forces qui se cristallisent en représentations. Ces forces sont dites informationnelles, car c’est la valeur qui est donnée aux représentations qu’elles produisent: lors de leurs rencontres, les forces informationnelles donnent la forme au sujet et au monde en s’actualisant dans des représentations accessibles pour les sens, l’esprit ou les affects. D’un côté, le sujet est un récepteur des forces informationnelles provenant du monde, mais, en même temps, le sujet est lui-même animé de forces qui produisent des effets dans le monde grâce à ses actions. La formation des sujets dépend directement des forces informationnelles – soit des représentations – circulant dans le monde et le monde est justement qualifié par les représentations véhiculées et produites par les sujets le composant. Le monde peut alors être défini comme l’espace d’expériences potentielles qui entoure le sujet et où toute chose doit s’actualiser pour devenir présente. Alors que le sujet, pris comme un fond (étymologiquement , «placé dessous», «support de qualités»), est la toile de toute action, le monde est qualifié «d’espace public» à partir du moment où les actions du sujet deviennent accessibles (concrètes ou réalisées) aux sens, à l’esprit ou aux affects des autres. L’espace public est en partie différencié par son opposition à l’espace privé occupé par le sujet, soit l’espace d’actualisation et de réalisation des percepts, des concepts et des affects du sujet qui se veut caché aux 62 — Cahiers du gerse sens, à l’esprit et aux affects d’autres sujets. Sans différenciation entre l’espace privé et l’espace public, le sujet n’a plus les limites pour se discriminer de ce qui n’est pas lui. En outre, l’espace public se définit par l’existence de plusieurs sujets qui se rencontrent à travers des représentations et cette rencontre crée l’espace nécessaire, entre autres, aux échanges entre les forces. Les forces, sources de mouvements, circulent à travers le sujet et l’espace public et sont un potentiel (virtuel ou possible) à actualiser par le sujet. L’objectif n’est alors pas de savoir si ce sont les forces produites par le sujet ou celles présentes dans l’espace public qui ont la primauté sur les autres, mais bien d’évaluer les représentations qui circulent puisqu’elles qualifient aussi bien l’espace public que le sujet lui-même. Aujourd’hui, de nombreux discours suggèrent que les représentations circulant dans notre société (occidentale du début du XXIe siècle) relèvent de plus en plus du divertissement, c’est-à-dire de l’amusement (selon le sens donné actuellement au mot). Par opposition , à l’Antiquité (en Grèce au IVe siècle av. J.-C.), la nature des représentations semblait être principalement qualifiée de politique (du grec politikos, «qui concerne les citoyens, l’État», la cité). Pris au sens étymologique, le mot «divertissement» signifie l’«action de détourner de ce qui occupe», «amener à d’autres idées». Lorsque nous parlons de l’ère du divertissement, nous parlons de l’ère du détournement et, dans cette ère, l’espace public n’y échappe pas: les représentations de l’espace public sont, elles aussi, détournées de ce qui les «occupait» (par exemple le politique). La dérive aussi est un détournement, puisque dériver signifie «s’écarter de sa direction », comme, par exemple, «détourner un cours d’eau de son lit». Les représentations de l’espace public s’écartent de leur direction initiale – peu importe où l’on situe l’origine – et se détournent de leurs préoccupations qui ne sont plus les mêmes dans cette ère du divertissement. L’hypothèse est que...

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