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Les Formes du «vivre ensemble» Charles PERRATON La pluralité humaine, condition fondamentale de l’action et de la parole, a le double caractère de l’égalité et de la distinction. Si les hommes n’étaient pas égaux, ils ne pourraient se comprendre les uns les autres, ni comprendre ceux qui les ont précédés ni préparer l’avenir et prévoir les besoins de ceux qui viendront après eux. Si les hommes n’étaient pas distincts, chaque être humain se distinguant de tout autre être présent, passé ou futur, ils n’auraient besoin ni de la parole ni de l’action pour se faire comprendre. Il suffirait de signes et de bruits pour communiquer des désirs et des besoins immédiats et identiques. Hannah Arendt (1983: 231-232) L’idée qui sera proposée ici est la suivante: la présence traditionnelle de «mouvements », même librement conçus, aboutit nécessairement à la constitution d’une structure globale dans laquelle les sons viennent s’organiser, mais cette organisation ne découle pas des sons eux-mêmes. Autrement dit, la matière sonore y est dominée. Elle obéit à un principe venu d’ailleurs que d’elle-même; les décisions auxquelles elle se conforme proviennent de l’histoire de la musique, non de l’écoute directe de ce qu’on appelle le matériau. Le XIVe Quatuor [de Beethoven] a voulu passer de l’autre côté d’une frontière qui sépare les formes disposées par la tradition des formes engendrées par le matériau – tel que, bien entendu, il apparaît à la sensibilité du compositeur, et compte tenu de ce qu’il peut attendre de l’usage, même renouvelé, des instruments disponibles. Revault d’Allones (1982: 194) L’espace public à l’ère du divertissement Comment et jusqu’à quel point est-il possible de penser autrement les formes du «vivre ensemble» dans l’espace public? L’urgence de cette question provient du contexte actuel d’évacuation du politique dans l’espace public au profit de son usage divertissant et d’une forme édulcorée de retour à soi qu’il faut qualifier de «dérive de l’espace public à l’ère du divertissement». La ville elle-même devient divertissement, et la frontière entre la sphère privée et la sphère publique apparaît de moins en moins claire. Les Américains, par exemple, dépensent aujourd’hui à peu près autant pour leurs activités de loisir en public (cinéma, parcs 184 — Cahiers du gerse à thèmes) que pour celles en privé (cinéma maison, ordinateurs personnels, etc.). Ils trouvent dans le centre-ville de nouvelles attractions permettant d’expérimenter des activités enrichissantes et de vivre autrement avec les autres. Pourtant, n’est-ce pas l’action et la parole entre les hommes qui créent l’espace public, la liberté des individus présupposant un espace où chacun peut advenir et initier l’action sur le monde à construire? Sans l’action politique, le citoyen ne risque-t-il pas d’être réduit au statut de simple consommateur de biens, services et spectacles? L’espace public est tout à la fois le lieu d’affrontement symbolique entre des acteurs aux intérêts différents et le lieu où naissent, se développent et meurent les idéologies et les projets de société. En ce sens, l’espace public est le lieu où l’individu prend part et s’engage dans l’action politique. Son engagement peut être communicationnel (prendre la parole dans une réunion publique), mais il peut aussi revêtir d’autres formes, plus tangibles, comme l’accomplissement d’actes civiques (voter, s’impliquer dans la «chose publique») ou la participation à des actions concrètes plus ou moins militantes (revendiquer, manifester, etc.) liées à la conduite des affaires publiques. Dans le contexte de mondialisation des villes, les espaces publics urbains se transforment pour offrir aux citadins de nouvelles expériences et manières de s’intégrer à la vie sociale par la consommation de biens, services et spectacles culturels. L’ère du divertissement marque le triomphe de la consommation culturelle. À travers elle, la communauté se constitue à l’intérieur de limites plus esthétiques que politiques. La communauté politique laisse dès lors la place aux communautés de consommation, ce qui suppose et contribue largement à la red...

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