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INTRODUCTION Comprendre le conservatisme pour mieux comprendre les États-Unis Charles-Philippe David et Julien Tourreille For the Right, the rise of conservatism is not a matter of political strategy and electoral opportunism; it goes to the heart of what it means to be an American – and what other countries lack1. 1. John Micklethwait et Adrian Wooldridge (2004). The Right Nation. Conservative Power in America, New York, Penguin Books, p. 19. 2 – Le conservatisme américain Les États-Unis ne se limitent pas à l’image qu’en projette la culture populaire produite à Hollywood ou à l’idée que peut s’en faire un visiteur étranger qui, dans l’immense majorité des cas, n’aura déambulé que dans Manhattan, Boston ou San Francisco. Au-delà des îlots que représentent les côtes est et ouest, ouverts sur le monde et berceaux de révolutions sociales majeures, comme la révolution de 1776, le New Deal des années 1930, la contre-culture de la fin des années 1960, le militantisme écologique, la promotion de l’égalité des droits pour les homosexuels ou l’Internet, il existe un vaste espace continental qui abrite la plupart des 300 millions d’Américains. Cette «Amérique profonde» pèse de plus en plus dans le paysage politique des États-Unis dont elle déplace le centre de gravité vers la droite. En effet, même si les préférences des Américains ont évolué en faveur de politiques plus progressistes, de gauche, il n’en demeure pas moins que 60% d’entre eux sont favorables à la peine de mort ou que seulement 40% ont une vision positive des syndicats2. Comme le soutiennent John Micklethwait et Adrian Wooldridge dans The Right Nation. Conservative Power in America, il convient donc de reconnaître d’emblée que les États-Unis sont plus conservateurs, plus à droite que les autres grandes démocraties occidentales. Pétris d’une culture politique dont la liberté individuelle est une caractéristique essentielle3, les Américains acceptent généralement un niveau moins élevé d’interventionnisme étatique et des niveaux d’inégalité plus élevés. Par exemple, les États-Unis sont le seul pays développé à ne pas avoir un service public d’assurance maladie4. Pays largement plus attaché à la pratique religieuse en comparaison des standards européens, les questions de l’avortement, des mariages entre conjoints de même sexe et de recherche sur les cellules souches y suscitent des débats politiques vifs et passionnés. Enfin, les États-Unis sont plus enclins à l’usage de la force armée dans les relations internationales, de façon unilatérale au besoin, et plus mesurés vis-à-vis des organisations et traités internationaux que leurs alliés traditionnels, en particulier l’Europe et le Canada. 2. The Economist, «Not quite right», 2 décembre 2005, p. 32. 3. Sur cette question, voir Louis Balthazar, «Chapitre 2. Le cadre culturel: le style national», dans Charles-Philippe David, Louis Balthazar et Justin Vaïsse (2003). La politique étrangère des États-Unis: Fondements, acteurs, formulation, Paris, Presses de Science Po, p. 41-70. 4. John Micklethwait et Adrian Wooldrigde, op. cit., p. 6-8. [18.225.234.234] Project MUSE (2024-04-18 05:00 GMT) Introduction – 3 1. UN COURANT DOMINANT… Cet ancrage à droite est cependant récent. En effet, pendant la première moitié du XXe siècle les idées de gauche, qualifiées de «libérales» aux États-Unis5, étaient tellement dominantes qu’elles semblaient irrévocablement l’emporter. Le New Deal de Franklin Delano Roosevelt avait en effet démontré l’efficacité de l’interventionnisme étatique pour sortir de la Grande Dépression. Avec son projet de Great Society, le président Johnson avait pour ambition d’instaurer un État providence à l’europ éenne. Outre l’égalité juridique pour les Afro-Américains, il imposa ainsi des restrictions plus sévères sur les armes à feu, légalisa l’avortement et mit en place un système de discrimination positive6. Dans les années 1950-1960, le libéralisme américain était alors si dominant que le conservatisme était jugé avec mépris et condescendance par les rares personnes qui daignaient s’y intéresser. Il était perçu au mieux comme une gesticulation intellectuelle de la part de marginaux incapables de produire des idées cohérentes; au pire, comme l’idéologie passéiste des années troubles du mccarthisme...

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