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C H A P I T R E 8 Vers une incompréhension mutuelle nord-américaine Le Canada est-il devenu plus européen qu’américain? Louis Balthazar 130 – Le conservatisme américain Les relations entre le Canada et les États-Unis ont été passablement affectées par la montée du conservatisme américain, notamment depuis l’arrivée de George W. Bush à la présidence. Même si ces relations se sont poursuivies sans heurt pour l’essentiel, certains désaccords ont été médiatisés et mis en évidence au point de créer un froid, au niveau politique surtout. On a beaucoup écrit récemment sur l’écart entre les valeurs conservatrices qui prédominent aux États-Unis et les valeurs plus libérales qui seraient celles d’une majorité de Canadiens. Le livre de Michael Adams, Fire and Ice, qui documente les divergences entre les deux pays, a connu un grand succès et a été abondamment commenté1. Un autre ouvrage, du politologue Philip Resnick, rappelle les racines europ éennes du Canada et laisse entendre qu’à bien des égards les Canadiens se sentent plus près des Européens que des Américains2. Le magazine The Economist a pointé du doigt un Canada «cool», c’est-à-dire résolument engagé dans la postmodernité, beaucoup plus progressiste que son voisin du sud3. Qu’en est-il? Le Canada aurait-il rompu idéologiquement avec l’Amérique du Nord? Faut-il remettre en question l’américanité profonde du Canada et la dynamique de l’intégration nord-américaine? Il y a de bonnes raisons de répondre par la négative à ces deux questions. On peut même affirmer que les Américains sont moins conservateurs qu’on le croit généralement et que l’administration qui les gouverne actuellement les représente très mal dans l’ensemble. Les Canadiens, pour leur part, sont sans doute beaucoup moins anti-américains qu’on le laisse entendre et probablement plus conservateurs que ce que révèlent les sondages. 1. LE CONSERVATISME AMÉRICAIN ET LE MYTHE DE LA RUPTURE ÉTATS-UNIS–CANADA Certes, on ne peut mettre en doute les progrès du conservatisme aux États-Unis. Mais le phénomène peut bien se révéler moins significatif et moins puissant qu’on l’a dit. Personne n’ose plus ainsi déclarer, comme on le faisait après la victoire de George W. Bush à l’élection présidentielle de 2004, que les républicains conservateurs sont au 1. Michael Adams (2003). Fire and Ice: The United States, Canada and the Myth of Converging Values, Toronto, Penguin Canada. 2. Philip Resnick (2003). The European Roots of Canadian Identity, Peterborough, ON, Broadview Press. 3. The Economist (2003). «Canada’s New Spirit», 25 septembre. [3.136.154.103] Project MUSE (2024-04-24 23:46 GMT) Vers une incompréhension mutuelle nord-américaine – 131 pouvoir pour une génération. On constate aussi un certain retranchement , voire, après les élections de mi-mandat de 2006, une véritable déroute des néoconservateurs4 au sein de l’administration Bush. 1.1. L’influence mitigée de la religion De plus, les groupes religieux intégristes se sont avérés beaucoup moins influents qu’on ne l’aurait cru. Pensons notamment à leur déconfiture dans l’affaire Terri Schiavo. En dépit d’une campagne ardente et soutenue pour empêcher le mari de cette femme réduite à un état végétal, selon les meilleures expertises, de débrancher le système qui la maintenait en vie artificiellement, les juges de la Floride ont défendu le droit de la personne sur sa vie. Les républicains du Congrès qui ont cédé à la pression de groupes religieux se sont heurtés non seulement au pouvoir judiciaire, mais à une forte majorité de la population. On trouve aussi une majorité d’Américains pour prôner le libre choix en matière d’avortement et ne pas souhaiter que soit renversé le jugement Roe v. Wade de 1973 qui déclare inconstitutionnelle la prohibition légale de l’avortement5. Une majorité aussi se déclare favorable à la recherche sur les cellules souches d’embryons humains6, à l’encontre de la position de plusieurs groupes religieux. Enfin, ils sont de plus en plus nombreux aux États-Unis, ceux qui dénoncent l’hypocrisie et le pharisa ïsme...

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