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LA RÉFÉRENCE COMME EFFET DE LECTURE1 a lecture n’est jamais exclusivement littérale ou référentielle. Elle est dynamique et elle convoque plusieurs attitudes, plusieurs dimensions du texte à la fois, qui s’éclairent ou s’enrichissent mutuellement . Il se produit, en fait, un aller-retour de la lecture littérale et référentielle en fonction d’une recherche de sens. La distinction entre ces objets n’est pas marquée matériellement, mais elle est opératoire dans l’activité de lecture. Ainsi, et cela paraît un truisme, lorsqu’il interprète sémiotiquement un élément du texte suivant sa valeur syntaxique ou lexicale manifeste, le lecteur prête attention à sa dimension littérale. Lorsqu’il interprète sémantiquement le texte à la lumière des faits extérieurs, de l’Histoire sociale, par exemple, son attention est tournée vers une dimension référentielle. Toutefois, la généralité de cette observation introduit une confusion qu’il faut lever ici. Pour parler de la référence littéraire comme effet de lecture, on peut adopter au moins deux hypothèses élémentaires. La première veut 1. Cet article a été publié sous le même titre dans Tangence («La référence litt éraire»), no 44, juin 1994, p. 66-80. Nous remercions Tangence pour l’aimable autorisation de le reproduire. Max ROY Université du Québec à Montréal L 134 | THÉORIES ET PRATIQUES DE LA LECTURE LITTÉRAIRE que le texte impose ses références; la seconde, que la lecture cherche à construire sa référence, ses points d’appui et de repère. S’il y a une part d’identification dans chaque acte de lecture, il est bien difficile d’en rechercher les motivations sans verser dans le psychologisme ou dans le sociologisme. Certes, il existe des conditions objectives, inscrites dans les textes littéraires, d’une lecture référentielle. Mais les effets de réel sont bien autre chose que les référents virtuels de signes textuels. Peut-on isoler une forme de lecture en fonction de cet aspect? En pratique, le référentiel est indissociable du signe littéraire. Qu’est-ce qui pourrait y échapper? Le jamais vu, l’inédit? Pour combien de temps? La modernité n’a-t-elle pas aussi ses références? Si tout fait référence dans le texte littéraire, alors la littérature et la référence sont une seule et même chose. La position inverse n’est pas plus défendable, car une lecture référentielle ne fait pas pour autant abstraction de la littérature. Elle n’est pas une échappée ni un refus mais plutôt un investissement du sujet, l’un de ses modes d’adhésion, le plus courant sans doute sinon le plus immédiat. Nous savons bien, par ailleurs, que le sens n’est pas réductible à la référence. Et lorsqu’il s’y trouve lié, de quel ordre est cette relation? S’agit-il d’une valeur surajoutée? Est-ce le résultat d’intentions convergentes2 ? N’est-ce pas couramment un effet de cohérence interne? Ce sens anaphorique est bien près du sens minimal . Or le lisible, comme l’intelligible, ne se réduit pas à la sémantique. À la limite, tout «fait sens» pour le lecteur. Un seuil de compétence Il est impossible de traiter de la lecture sans faire intervenir le lecteur. Pourtant, la lecture s’évanouit sitôt achevée, même lorsqu’elle produit des effets durables chez le lecteur. Elle est une opération dont le résultat inconstant ne laisse pas de traces matérielles et analysables. Cela n’interdit pas d’examiner la question en rapport avec la référence littéraire d’un point de vue théorique essentiellement3. 2. Je renvoie aux trois types d’intentions prises en compte dans les études herméneutiques, soit l’intentio auctoris, l’intentio operis et l’intentio lectoris, et que Umberto Eco inclut dans sa réflexion sur l’interprétation. Voir «“ Intentio lectoris ”. Notes sur la sémiotique de la réception », dans Les limites de l’interprétation (1992). 3. L’étude de cette question conduit à imaginer l’élaboration d’un parcours interprétatif. S’il s’agit d’un modèle virtuel, sa réalisation n’est pas moins [13.59...

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