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Homo Turisticus Laddakiensis Prolégomènes pour l’élaboration de critères taxinomiques concernant l’exo-population laddaki, ses mœurs, comportements et structures imaginales Philippe Sohet Notules en hommage sincère au vénérable Dr. Jacques Richon et au non moins qualifié Dr. Roland Neff, patients compagnons d’aventures. Ouverture générale en forme de mise au point : étrange étranger Mettre le pied en terre étrangère, on le sait, expose le voyageur à l’alt érité. Le réflexe usuel en réponse à semblable insécurité est celui du balisage : jalonner le nouveau territoire culturel de quelques repères (souvent importés), essayer de se dresser peu à peu une première cartographie qui permette d’y survivre à moindre mal. Opération qui invite notamment à essayer de discerner les flux de population qui composent le tissu social local. Arpenter les ruelles de Leh, par exemple, nous invite à discerner certaines variations physiques et culturelles qui, au terme d’une sensibilisation plus avancée, conduiront à distinguer la population laddaki de ses composantes khasmiri, hindu mais aussi pakistanaise, tibétaine ou népalaise. Et des touristes , bien entendu, s’empresserait-on d’ajouter pour afficher un souci d’exhaustivité, ma foi, bien factice en l’occasion. Car cette dernière dénomination n’est rien d’autre que l’effet réducteur du classique aveuglement guettant tout anthropologue en herbe. En réalité, LE touriste n’existe pas. Les touristes constituent moins un genre, une tribu culturelle, qu’une polarité aussi réductrice que pouvait l’être la figure de l’étranger avant de mettre le pied dans la réalité laddaki. Derrière l’appellation de touriste se cachent des mouvances diversifiées qui s’opposent, se croisent et se démarquent de façon tout aussi significative que le tissu social dans lequel il évolue. Il est curieux, il est désolant, de noter cette difficulté à lire le proche avec la même diligence que nous prétendons décrypter le lointain. Cet aveuglement qui nous retient de lire notre condition de touriste, nous freine dans la compréhension du regard de l’autre sur nous : comment le voyageur est-il lu par l’autochtone? Si le tourisme n’a pas échappé aux recherches de nos respectés coll ègues, il n’en va guère de même, paradoxalement, du touriste. Le tourisme se chiffre, ses déplacements circonstanciels, ses effets de mode, ses flux migratoires se calculent et se cartographient. Mais le touriste, lui, pour la plupart de ces démarches, n’existe qu’en tant qu’entité implicite (pas de tourisme sans touriste) et abstraite (le touriste n’a pas d’identité singulière : il est). C’est donc à une première tentative de description du genre Homo turisticus, de ses mouvances, ses mœurs, ses imaginaires que les quelques modestes paragraphes qui suivent s’attacheront. Ou, plus exactement, s’y attelleront avec bonne volonté mais en toute modestie, s’instaurant en appel à des recherches ultérieures. Car, en effet, l’ampleur restreinte de la période d’observation ainsi que les conditions de leur cueillette ne peuvent assurer, à ce stade, une quelconque valeur confirmée, encore moins l’exhaustivité probante aux propositions qui suivent. Par contre, bien que ne relevant que du seul Turisticus laddakiensis, il serait sans doute pertinent d’en tester l’extrapolarité à des mouvances parallèles telles que Homo turisticus nepalis, Homo turisticus machupichi, Homo turisticus sahariensis. Premières démarches, premiers regards, première typologie D’une expérience fondatrice Faut-il encore mentionner pareille évidence? Toute réflexion de quelque valeur prend son origine, le plus souvent, dans une expérience primaire. Au départ de ces lignes, le souvenir de ces heures dans les ruelles pentues de Manali, nouveau havre touristique de l’Inde septentrionale . Le visiteur fraîchement débarqué y est happé par le flot incessant de ses congénères qui transhument entre les deux versants de la vallée, entre la source chaude et le temple, la pension et les boutiques. Il ne lui faudra pas longtemps pour noter les premières disparités parmi les Occidentaux croisés. 206 — Cahiers du gerse [52.15.63.145] Project MUSE (2024-04-25 06:19 GMT) Ainsi il se retrouve parmi tant d’autres de ses semblables : perpétuellement agités, sautant d’échoppe en échoppe, ces derniers se déplacent en cherchant (le temple à visiter, le caf...

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