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Fragments d’images d’un paysage éclopé Du plan-séquence de Zapruder sur l’assassinat de Kennedy à l’obsession du cadre et des frontières dans l’imaginaire américain Mathieu-Alexandre Jacques Il a récemment été question d’un durcissement de la politique américaine, de l’exacerbation d’attitudes distinctives (l’engouement pour la religion, le port d’armes, l’obsession de la sécurité intérieure, l’étrange vitalité de la peine capitale) qui seraient autant de manières désespérées de se différencier, et par le fait même d’affirmer le clivage, le fossé qui sépare cette nation dominante du reste du monde. Ainsi l’Amérique aurait changé de manière radicale, passant d’une période de « détente » (les années Clinton où les États-Unis se posaient en grand frère des nations) à l’ère Bush et post-11 septembre où, adoptant une série de résolutions douteuses, polémiques et réactives, elle aurait dévoilé un autre visage, celui de l’amertume et de l’esprit de vengeance, montrant à la face du monde qu’à la blessure qui lui a été infligée doit répondre impérativement un réaménagement de l’ordre mondial. Nous nous réveillons donc en ce début de xxie siècle avec l’étrange sentiment que cette autorité par défaut ne répond plus du désir et de l’opinion des autres nations, mais s’isole (sur le plan décisionnel ), pour une période indéterminée, dans le but d’éradiquer cet ennemi, ce danger imprécis qui, contre elle, complote. Une mort hypertrophiée Pourtant, bien avant le 11 septembre 2001, l’assassinat de JFK a profond ément bouleversé les formations imaginaires de l’Amérique contemporaine, la poussant à reconsidérer non seulement certains acquis qu’elle pensait inébranlables (l’ère de l’innocence, la suprématie du bien sur le mal, la certitude en un avenir plus ou moins tracé d’avance etc.), mais transformant également, de manière vive, son rapport au monde en laissant place à une mythologie de plus en plus empreinte de paranoïa. À l’après Kennedy correspond en effet le début de la diffusion massive du film d’horreur et d’épouvante où la menace, au cinéma, est désormais envisagée comme pouvant surgir à tout moment des parois de l’image et, par extension, de l’intimité des lieux quotidiennement fréquentés1 (banlieue, parc public, cour arrière d’une maison sont ainsi mis sous tension). Une problématisation de l’espace et du contact à l’autre semble s’effectuer, laquelle correspond plus ou moins à cette période, les années 1960, où une série d’assassinats politiques semblent littéralement surgir de nulle part, tout en étant bien souvent filmés en direct. À travers l’image et ses frontières de plus en plus vacillantes, c’est le territoire américain qui est perçu comme recelant sa propre menace ou, à tout le moins, sa propre altérité. 1 Un surprenant changement de décor, quant aux lieux où peuvent surgir la peur et l’horreur, s’effectue effectivement au tournant des années 19601970 . Si le cinéma précédant cette période associait l’idée même de menace à des lieux-types, par définition mal fréquentés (pensons aux manoirs et églises abandonnés, aux cimetières, aux espaces vacants ou champs de toutes sortes désertés les soirs de pleine lune, etc.), les films des dernières décennies font de notre quotidien et de nos différents espaces domestiques et balisés un terreau tout aussi favorable au surgissement d’une menace pouvant, soudainement , briser l’ordre et le calme que l’on croyait acquis. D’où l’importance de la banlieue dans les films de suspense d’un Spielberg, par exemple, pour qui l’angoisse a d’autant plus d’impact lorsqu’elle est capable de s’en prendre à nos points de repères élémentaires. Poltergeist (1982), produit et mis en chantier par Spielberg lui-même qui en a imaginé le synopsis, est un exemple fulgurant de ce changement de cap quant aux lieux d’émergence et d’éclosion des sentiments de peur face à ce qui nous échappe et s’attaque à nos« noyaux » d’intimité. Dans ce cas...

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