In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Nouvelle génération de grands-parents et mutations familiales Claudine ATTIAS-DONFUT* Je suis très honorée de participer à vos travaux et je remercie le Conseil de développement de la recherche sur la famille de m’avoir invitée et donné ainsi l’occasion de vous présenter la recherche sur les grands-parents que j’ai réalisée avec Martine Segalen1. Cette invitation témoigne de la reconnaissance que vous, spécialistes de la famille, accordez au thème des grands-parents. J’y suis d’autant plus sensible que les grands-parents ont été les grands oubliés de la sociologie de la famille, et cela, en particulier en France. Je serai heureuse de pouvoir contribuer à montrer que non seulement les grands-parents sont une figure parentale digne d’intérêt en soi, mais aussi qu’ils sont mêlés à tous événements de la vie familiale. En les étudiant, on fait apparaître de nouvelles facettes de cette vie familiale, dans plusieurs domaines, rapports parentsenfants , conciliation de la vie professionnelle et familiale, ou encore les crises familiales, les ruptures et recompositions... La première question que nous nous sommes posée, Martine Segalen et moi-même, concernait les raisons de l’invisibilité des grands-parents dans le champ de la famille. Il y en a plusieurs. Il y a certes des raisons historiques. En France par exemple, du fait que la sociologie de la famille s’est constituée dans le contexte si caractéristique du natalisme, l’attention * Directeur des recherches sur le vieillissement de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. 1. Cette communication reprend des analyses et des résultats présentés dans Grandsparents . La famille à travers les générations, Claudine Attias-Donfut et Martine Segalen, Paris, Odile Jacob, 1998. 12 12 12 12 12 Claudine ATTIAS-DONFUT des chercheurs a été accaparée par les mutations spectaculaires que représentent les fragilités conjugales, le déclin du mariage, les recompositions familiales, ou les nouvelles techniques de reproduction. Plus généralement, dans les sociétés modernes l’image du grand-parent reste fortement associ ée à la vieillesse, thème dévalorisé en raison de la minoration historique du vieux. Surtout le stéréotype des papys et mamys voués aux rocking-chairs et aux confitures les rend peu dignes de mobiliser le travail des chercheurs. L’oubli des grands-parents est cependant surprenant quand on sait qu’ils représentent une part croissante de la population du fait de l’allongement de la vie. La durée de la phase grand-parentale est devenue plus longue que celle de la phase parentale qui la précède. Le plus étonnant est que la question des rapports intergénérationnels se soit largement développée depuis plus d’une dizaine d’années en négligeant les relations grandsparentales qui sont au cœur du lien intergénérationnel. Dans notre recherche, nous nous sommes assignées pour but d’analyser les contours sociologiques du rôle des nouveaux grands-parents, généralement adultes dans la force de l’âge, en bonne santé, encore parfois actifs, disposant de salaires ou de retraites souvent confortables et de patrimoine. Pour mieux faire ressortir la nouveauté de la figure, nous l’avons opposée à celles que montrent l’histoire ou l’anthropologie ; ensuite, nous avons suivi les transformations qui interviennent au cours du cycle de la grand-parentalité. Les grands-parents ont changé au cours de l’histoire. L’histoire de la vieillesse en Occident a montré la présence d’images contradictoires de la vieillesse et ses transformations. On est passé au cours du XVIIIe siècle d’un extrême à l’autre, de la dérision habituelle au respect imposé. Mais si l’image des vieux et des vieilles a été alors revalorisée, c’est en prenant les traits des grands-pères et des grands-mères, qui ont acquis une fonction pédagogique auprès des petits-enfants, à l’époque où se formait l’idéal bourgeois de la famille2. On peut se demander si l’intérêt relativement récent pour l’aïeul n’est pas subordonné à celui que la société porte à l’enfant, dont il serait l’éducateur désigné. En effet, le « sentiment de l’enfance », dont Philippe Ariès scrutait la naissance est aujourd’hui totalement différent de ce qu’il...

Share