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Préface Le thème de la ruralité connaît un nouvel essor depuis quelques années parmi les chercheurs en sciences sociales, ce qui ne fut pas le cas au cours des décennies 70 et 80. En effet, hormis les spécialistes de la question agraire, les analystes sociaux à se réclamer de ce champ d’études se sont faits plutôt rares. La question rurale a été englobée sinon occultée dans les études dites régionales. Toutefois, à la faveur de l’émergence de nouvelles approches théoriques du développement, telles que l’approche du développement local et celle du développement durable, la préoccupation pour le développement rural a refait surface. Cela s’explique probablement par le fait que ces approches soulèvent fondamentalement deux questions au cœur de la ruralité actuelle, soit celle du sens de la citoyenneté en milieu rural et celle de la gestion des ressources naturelles. Bruno Jean est certes l’un des rares universitaires québécois qui, depuis vingt ans, s’est intéressé systématiquement à la question rurale dans sa globalité. En tant que sociologue, il a voulu poursuivre une tradition de la sociologie québécoise à ses débuts, à savoir cet intérêt pour l’observation et la compréhension des milieux ruraux. Dans cet ouvrage, il nous est présenté une très bonne synthèse de la question rurale appliquée au Québec, tant d’un point de vue théorique, empirique que normatif et idéologique. Ce travail est le fruit de plusieurs années de recherche et d’observation du phénomène de la ruralité au Québec, mais aussi dans de nombreux autres pays industrialisés. viii Préface Sur le plan théorique, l’auteur pose pertinemment la question rurale du point de vue de la théorie sociologique en particulier, ce qui l’amène à opposer la thèse de la fin du rural, telle que Gérald Fortin dans son essai La fin d’un règne (1971) l’avait énoncée par exemple pour le Québec, à la thèse de la fin d’un certain rural. Pour ce faire, il avancera la thèse de l’objectivité de la réalité rurale. Que ce soit sur le plan démographique, morphologique ou culturel, cette thèse réfute celle du déclin irréversible du monde rural de même que son intégration complète à la logique urbaine. Ici, l’auteur s’emploie plutôt à relever les transformations socio- économiques réelles du monde rural qu’à sonner le glas de sa disparition. Ainsi, il faut noter ce changement fondamental que constitue la dissociation entre milieu rural et milieu agricole. De même, il faut souligner les changements dans la structure des occupations de la population rurale et l’accroissement de la fonction résidentielle des territoires ruraux, particulièrement ceux qui sont à proximité des petites et moyennes villes. Certains milieux ruraux sont toutefois menacés, à la fois par le déclin démographique et la perte ou l’absence d’activités économiques structurantes. Enfin, il faut prendre acte de nouveaux enjeux autour de l’espace rural, à savoir la campagne perçue comme lieu de loisir et de récréation, et la campagne vue comme un espace à protéger et à conserver. Sur le plan empirique, le point fort du volume réside sans contredit dans les travaux réalisés par l’auteur depuis plusieurs années, seul ou en équipe, au Québec ou à l’étranger, sur l’exploitation agricole familiale. Bruno Jean montre que l’agriculture familiale s’avère une forme sociale tout à fait fonctionnelle dans la modernité ; que le travail agricole est demeuré un travail qualifié et ne peut être comparé au travail déqualifié de l’industrie ; qu’il existe une partie invisible du travail agraire dont la société profite mais pour lequel l’agriculteur n’est pas rémunéré ; que le monde agraire est confronté simultanément à deux dynamiques contradictoires : « la globalisation ou mondialisation des marchés, d’une part, et la recréation de marchés locaux, localisés, de circuit court de distribution... ». Enfin, si dans la période moderne, la fonction de l’agriculture a été réduite principalement à la production alimentaire, dans le postmodernisme agricole dira l’auteur, d’autres fonctions prendront une nouvelle importance : occupation du territoire, maintien des équilibres écologiques, entretien des paysages...

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