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L’autre Québec, le Québec rural, s’est sensiblement rapproché du reste du monde québécois par une rapide évolution de ses traits culturels ainsi que de son niveau et de ses modes de vie. Mais il est en train de s’en éloigner à nouveau sous l’aspect de la composition ethnique. Alors que nos grandes villes deviennent multiethniques, le reste du Québec, largement rural, demeure fortement homogène et ce ne sont pas quelques immigrants en région qui vont changer sa physionomie. Si cette nouvelle différenciation rurale-urbaine risque de redevenir une catégorie utile d’analyse dans les années à venir, au moment même où l’on commençait sérieusement à douter de sa pertinence, elle ne constitue pas la trame du présent chapitre. Elle sert cependant d’entrée en matière pour ajouter, comme s’il en fallait, une pièce à conviction de plus dans notre quête de la ruralité comme réalité sociale bien vivante. En effet, si la chose ne fait pas de doute dans l’esprit des ruraux, la définition de la ruralité pose largement problème dans les sciences sociales, de sorte que le premier défi auquel nous avons à faire face, c’est celui de définir ce qu’est la ruralité elle-même. Nous nous sommes consacré à cette tâche dans la première partie du présent ouvrage ; parvenu ici, nous espérons avoir convaincu tous les lecteurs de l’existence de la ruralité moderne. Une longue écoute et une lecture des revendications des ruraux eux-mêmes, dans plusieurs forums qui ont été mis en place avec les CHAPITRE 11 Les défis de la ruralité moderne Concevoir une nouvelle politique rurale États généraux du monde rural de 1991 et Solidarité rurale ou la Coalition Urgence rurale dans le Bas-Saint-Laurent, auront lentement permis l’identification de certains défis’ et leur mise en forme. Il s’agit donc ici de s’attaquer à la tâche suggérée par le titre, soit identifier les défis auxquels fait face le monde rural québécois, et partant de là, concevoir une nouvelle politique rurale. Pour des raisons de clarté, nous proposons de resituer ces défis selon une classification simple mais efficace pour les ordonner, soit les défis démographique, social, culturel, institutionnel (politico-administratif) et environnemental. Mais avant de présenter ces défis, nous allons discuter des enjeux auxquels le monde rural moderne est confronté, soit les enjeux du développement rural comme tel et les enjeux concernant l’agriculture moderne potentiellement en rupture avec les éléments (démographie, famille, territoire, alimentation, nature) de son environnement traditionnel. Mettre au clair les défis de la ruralité moderne, c’est en quelque sorte annoncer, sans le dire, les objectifs et le contenu d’une politique rurale qui nous fait cruellement défaut. La tâche qui nous incombe ne consiste pas seulement à comprendre lucidement les mutations et le déclin du monde rural québécois ; elle demande aussi de l’accompagner dans sa lutte pour obtenir les outils propres à assurer, non la gestion de sa mort lente, mais sa renaissance impulsée par ses forces vives et une politique rurale cohérente. Nous tenterons ici de jeter les bases d’une politique rurale, en identifiant quelques lignes directrices à la base de son élaboration et de sa mise en œuvre. Nous ferons enfin ressortir le rôle décisif de la régulation étatique, capable de faire jouer une subsidiarité bien comprise dans le développement rural. Rappeler le politique à son devoir d’ingérence, pourrions-nous dire, ce n’est pas nécessairement se bercer dans l’utopie d’un État entrepreneur et paternaliste, mais entretenir l’espoir d’un État plus accompagnateur, partenaire et solidaire des ruraux qui veulent, comme les autres, aménager leur propre avenir. 1. Les idées élaborées dans ce chapitre tirent en partie leur origine des travaux que nous avons réalisés il y a quelques années pour la Fédération canadienne de l’agriculture, qui avait alors fait une publication à tirage limité. Voir Bruno JEAN, Déclin ou renaissance : l’agriculture et la ruralité au Canada à la croisée des chemins, Ottawa et Rimouski, Fédération canadienne de l’agriculture et Université du Québec à Rimouski, Rapport, janvier 1994, 75 p. Nous avons aussi fait connaître...

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