In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

L’implantation de l’autoroute électronique dans la région du Saguenay innovation technologique ou innovation sociale de la recherche ? Pierre-W. BOUDREAULT Sociologue Université du Québec à Chicoutimi Avec l’autoroute électronique, l’expression région éloignée sera éliminée du vocabulaire. Selon Louis A. Tanguay, président de Bell Québec, les décisions sont actuellement prises dans les grands centres parce que la proximité physique est importante. « Lorsqu’on déploie une autoroute électronique, explique-t-il, le centre décisionnel devient alors le réseau de sorte que les gens auront de plus en plus tendance à s’installer dans des endroits où il est agréable de vivre. » Il croit, rapporte la journaliste, que les régions seront alors avantagées, car des facteurs économiques militeront en leur faveur. Aussi, souligne-t-il que le mouvement s’accélérera au fur et à mesure que les personnes feront du télétravail, ce que permettra l’autoroute électronique, selon lui. Effectivement, on pourra acheminer de grandes quantités d’informations dans les deux directions dans un mode interactif avec une structure de coûts de plus en plus basse 1. L’innovation et l’incertitude sont deux expressions de la même réalité, et dans la recherche, leur occurrence est féconde comme l’attestent quantité de découvertes. Or, le développement économique et social de l’innovation renferme un autre niveau d’incertitude déterminé, celuil à par l’impératif du marché. Le marché a un rôle économique qui est d’établir des correspondances ou des réversibilités et un rôle social qui est d’abolir la distance et la différence entre le sujet et les objets. Même si 1. Le Quotidien, 9 mars 1994. 392 Pierre-W. Boudreault l’innovation s’est « bureaucratisée », comme le souligne fortement Christopher Freeman2 et est presque devenue l’apanage de quelques très grandes entreprises, il ne faut pas trop vite conclure à l’action de l’indicible « main invisible » ou à l’effet d’une incontournable tragédie faustienne. Le risque pour la recherche en innovation, appelée jadis l’invention, est celui de l’incrémentalisme. Les questions que ce texte pose s’articulent à partir d’un préalable. L’innovation technologique et, plus généralement, la recherche en innovation comportent des caractéristiques fondamentales. Ayant l’information et la communication comme « matières premières », les recherches se déploient dans l’abstraction. Pour accéder à la réalité, ne pouvant se saisir dans un produit donné, leur existence prend d’abord forme dans l’imagination des « innovateurs » pour ensuite se matérialiser dans l’exercice d’interrelations complexes plus ou moins lisibles dans l’espace social. À la suite de ce postulat, il sera réaffirmé que les changements technologiques n’arrivent pas dans un vacuum social. Dans quelle société et avec quelles conséquences sur l’espace urbain se déploient les changements économiques induits des innovations technologiques ? Plus particulièrement, cette communication interroge les acteurs de la recherche en innovation sur la capacité de contrôle que peuvent avoir les résidents de la région du Saguenay au moment où est mis en place le programme d’implantation de l’autoroute électronique. Ce questionnement nous amènera à constater que les nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC) concrétisent l’existence d’une constellation d’interrelations entre certains éléments d’une société donnée, mais qu’elles engendrent une exclusion menaçante. À l’instar de la constatation que faisait Tocqueville, à savoir que les contradictions apparaissent grossies vues des « colonies », nous constaterons qu’en régions, les interactions sociales deviennent en effet virtuelles, réduisant les acteurs de la société industrielle à devenir concrètement, pour plusieurs, les spectateurs de la société technologique. Je décontracterai cette problématique en entrouvrant les trois ressorts suivants : 1) celui de la représentation comme objet d’appropriation— désappropriation devenu allégorie pour les uns et sanction pour les autres ; 2) celui des conditions sociales de production sans quoi ni l’impulsion de la recherche ni l’application ne seraient possibles ; 3) celui de la transmission de deux concepts, soit celui de « groupe » dont le symbolisme se joue sur le terrain de la proximité, soit celui de « réseau » pour lequel l’interrelation perd en socialité ce que l’interaction gagne en virtualit é. En conclusion, je terminerais ce texte au moment o...

Share