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Le partenariat école-entreprise : le moment est mal choisi Antoine BABY Université Laval Petit préambule sur notre propension aux engouements«À son âge, on ne le changera jamais », pourrait-on dire en me voyant revenir avec une autre perspective critique. C’est peut-être vrai qu’on n’arrivera pas à me changer sur ce point, mais je ne suis pas tenté d’en faire d’abord une question de tocade sénile, puisque, depuis mon tout jeune âge, j’ai toujours été un peu toqué. Je vais sans doute mourir dans un rôle de dégonfleur de «balounes » et de packman ou d’enzyme dévoreuse d’images miroitantes. Je demanderai donc qu’on m’enterre dans le froc d’un iconoclaste. Et surtout, pas d’image sur ma tombe. Pas même celle... d’un briseur d’images ! Mais, comme j’ai des raisons de penser que je ne mourrai pas demain, autant en prendre votre parti et... votre mal en patience. Vous risquez d’entendre la balade encore quelques années. Avec le partenariat, nous voilà donc une fois de plus les fesses dans un pantalon qui n’a pas été dessiné pour nous. Ce n’est pas la première fois. À en juger par ce que j’entends, ce ne sera pas la dernière non plus. Je viens justement de prendre mes amis de la CEQ en flagrant délit de laisserfaire , dans les pages centrales de leur bulletin, l’apologie d’un des derniersn és du miracle japonais, la fameuse doctrine de la «qualité totale » qui, sur sa face cachée du moins, n’est rien d’autre qu’un processus d’inculcation idéologique visant à accroître la productivité. Jusqu’à présent, tripeux que nous sommes, nous n’en avons mis en évidence que la face connue, le côté dit positif de la chose, c’est-à-dire une 4.2 226 Antoine BABY façon de motiver les employés et de les intéresser davantage à leur travail. Pourtant il faudra bien, ici comme ailleurs et même si ce n’est plus à la mode, réhabiliter un jour la deuxième lecture des choses. Or, la deuxième lecture des choses en ce qui concerne la qualité totale comme doctrine, c’est que, par-delà l’effet motivant pour celui qui y adhère, il y a l’accroissement de la productivité pour celui qui s’en sert. Mais est-ce vraiment la qualité totale que d’être à ce point inféodé à son travail qu’on n’ait même plus le temps de retourner chez soi après le boulot et qu’il faille dormir dans des tiroirs à peine moins inconfortables que ceux de Dachau ou d’Auschwitz. Je le dis souvent : pour moi le miracle japonais, c’est que cette société dont les travailleurs sont effroyablement contenus n’ait pas encore explosé en un chaos apocalyptique. D’ailleurs, dans l’éventualité de cette catastrophe, si j’étais travailleur japonais, j’apprendrais cette chanson d’Anne Sylvestre :«Le jour où ça craquera, je veux être dans tes bras...», parce que ce sera sûrement l’endroit le moins inconfortable de tout le pays du Soleil levant ! De l’origine du partenariat en économie néolibérale Mais revenons-en au partenariat, puisque, cette fois, notre «baloune », c’est le partenariat. Le thème de notre colloque, c’est le partenariat entre l’éducation et le monde du travail. Nous sommes entrés dans le partenariat un peu comme on entre en religion, en postulant la convergence totale et parfaite de tous les intérêts de tous les partenaires. Moi, j’ai la fâcheuse habitude de poser le problème des intérêts des parties autant pour ce qui est de la divergence et de l’opposition des intérêts que pour ce qui est de leur convergence. Et jusqu’à démonstration du contraire, je tiens pour acquis qu’il y a autant de l’une que de l’autre dans le partenariat qui nous intéresse. Et j’éprouve, je dois en convenir, un malin plaisir à faire le contrepoids d’un discours qui postule, souvent à son insu, la seule convergence des intérêts des parties. Soit dit en passant et jusqu’à ce qu’on m’ait prouvé le contraire, je tiens pour acquis que l’expression «le monde du travail », sauf dans les très rares cas où les organisations de travail participent effectivement...

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