-
Chapitre 14_Une réflexion à partir de la bataille contre la réforme de l’aide sociale
- Presses de l'Université du Québec
- Chapter
- Additional Information
CHAPITRE 14 Une réflexion à partir de la bataille contre la réforme de l’aide sociale Jean-Yves Desgagnés Le contenu de mon exposé sera fortement coloré par la pratique que j’ai vécue avec l’un des groupes les plus marginalisés de notre société. Le Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ) est un regroupement national d’une quarantaine d’associations locales vouées à la défense des droits et à la promotion des intérêts des personnes assistées sociales. Il existe depuis 1974 et est issu de la tradition des groupes axés sur la défense des droits et privilégiant une stratégie de conflit et de lutte pour les faire respecter. Selon la typologie de l’organisation communautaire de Gérald Doré, le FCPASQ se retrouve dans le paradigme de la« politisation », c’est-à-dire dans « une pratique tentant de relier des actions collectives actuelles à des perspectives de transformation des structures politiques ».1 1. DORÉ, Gérald (1985), « L’organisation communautaire : définition et paradigme », Service social, vol. 34, n° 2-3, p. 210-230. C’est depuis 1985, depuis le Livre blanc sur la fiscalité des particuliers préparé par Jacques Parizeau, l’actuel chef du Parti québécois, que le gouvernement est prêt à réformer le régime de l’aide sociale. En effet, les libéraux n’ont rien inventé en matière d’aide sociale. Ils n’ont fait que reprendre, à peu de chose près, le projet de réforme de l’aide sociale tel qu’il avait été pensé et élaboré par le Parti québécois à l’intérieur du Livre blanc sur la fiscalité des particuliers. Le Front commun des personnes assistées sociales du Québec et ses groupes membres, grâce à l’analyse effectuée par un collectif de recherche et de formation, savaient depuis 1983 qu’une réforme majeure du régime de l’aide sociale était en préparation. Cette analyse fut diffusée dans une plaquette et une session de formation, « Revenu minimum garanti ou pauvreté maximum garantie ». C’est donc dès 1983, presque quatre ans avant que soit déposé le document d’orientation « Pour une politique de sécurité du revenu », que les organisations de personnes assistées sociales commencent à préparer la bataille contre la réforme de l’aide sociale. En janvier 1985, lorsque le gouvernement du Parti québécois rend public son Livre blanc sur la fiscalité des particuliers, une première mobilisation s’organise contre le projet de réforme de l’aide sociale contenue dans ce document. En décembre 1985, arrive au pouvoir le gouvernement libéral qui s’est fait élire en promettant d’accorder la parité de l’aide sociale aux jeunes de dix-huit à trente ans et de réformer l’aide sociale pour retourner sur le marché du travail tous ceux et celles qui sont aptes au travail, celles et ceux ayant « deux bras et deux jambes », pour reprendre une expression couramment utilisée à l’époque par Pierre Paradis. C’est d’ailleurs ce dernier, l’un des membres les plus réactionnaires du gouvernement Bourassa, qui se voit confier le mandat de mener à terme la réforme de l’aide sociale. Dès le mois de mai 1986, le ministre Paradis prépare le terrain idéologique pour faire passer sa réforme. Il lance ses fameux « boubous macoutes », agents visiteurs, aux trousses des personnes assistées sociales. L’objectif du gouvernement est double : − faire peur aux personnes assistées sociales ; − accentuer, au sein de la population, les préjugés contre les personnes assistées sociales et la préparer ainsi à accepter son projet de réforme. Sur ces deux plans le gouvernement marque des points. Toutefois, cela n’empêche pas les organisations de personnes assistées sociales de se mobiliser. Avec l’appui de la Ligue des droits et libertés et d’autres groupes alliés, une riposte est organisée qui se rendra jusque devant les tribunaux. Ceux-ci reconnaîtront d’ailleurs, en s’appuyant sur la Charte 172 Jean-Yves DESGAGNÉS [54.147.0.155] Project MUSE (2024-03-29 12:32 GMT) Une réflexion à partir de la bataille contre la réforme de l’aide sociale 173 québécoise des droits et libertés, qu’une personne assistée sociale a le droit...