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Chapitre 10_L’entraide, les réseaux primaires et la communauté
- Presses de l'Université du Québec
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CHAPITRE 10 L’entraide, les réseaux primaires et la communauté Daniel Turcotte Les concepts qui sous-tendent le thème « l’entraide, les réseaux primaires et la communauté » soulèvent généralement certaines réserves chez les intervenants et les intervenantes en action communautaire du fait de leur association avec la notion d’approche communautaire. Cette notion, qui sert de toile de fond à la mission des CLSC depuis une dizaine d’années, a souvent été perçue, non sans raison, comme une menace à la pratique de l’action communautaire. D’une part, la promotion de l’approche communautaire est généralement associée au désengagement de l’État du champ des services sociaux. D’autre part, cette approche traduit souvent une volonté politique de restreindre le champ de l’action communautaire à une analyse psychosociale des problèmes. Or, une constatation s’impose : l’utilisation du potentiel d’entraide qu’on retrouve au sein du réseau social peut constituer une voie privilégiée de changement social si l’on reconnaît la capacité des personnes à concevoir et à mettre en place des solutions collectives à leurs problèmes. C’est là l’idée principale qui sera développée dans ce texte. Dans un premier temps, les concepts d’entraide, de réseaux primaires et de communauté seront brièvement définis. Par la suite, nous verrons les possibilités qu’offre l’intervention auprès des groupes d’entraide et des réseaux primaires et en quoi cette intervention peut s’inscrire dans les fonctions généralement associées à l’organisation communautaire. Enfin, la dernière partie portera sur les difficultés que comporte ce type d’intervention pour l’intervenante et l’intervenant en action communautaire. L’ENTRAIDE, LES RÉSEAUX PRIMAIRES ET LA COMMUNAUTÉ : QUELQUES PRÉCISIONS Dans son sens le plus général, l’entraide correspond au soutien qu’une personne reçoit des membres de son entourage et qu’elle leur donne en retour. Ce soutien s’actualise à travers le réseau formel (ou inventé) et à travers le réseau informel (ou découvert). Le réseau formel, plus structuré, est généralement la création de professionnels ou de personnes engagées sur le plan social, politique ou religieux. Un exemple de réseau formel de soutien est le groupe d’entraide. Ce groupe se présente comme une petite structure, à caractère bénévole, formée par des pairs qui se rencontrent pour combler un besoin commun, surmonter une difficulté identique ou réaliser un changement personnel ou social souhaité par l’ensemble des membres (Alary et al., 1988). Les groupes d’entraide se distinguent des services professionnels sur quatre plans : 1) Dans ce type de groupe, celui qui aide s’aide en même temps puisque aider les autres est un acte gratifiant qui donne le sentiment d’avoir un plus grand contrôle sur sa réalité. 2) Dans les groupes d’entraide, les consommateurs de services en sont également les producteurs, d’où une plus grande proximité entre l’aide offerte et les besoins. 3) Les groupes d’entraide ont une organisation souple et décentralisée qui permet un fonctionnement spontané centré sur les personnes à aider. 4) Enfin, par leur critique, parfois explicite mais souvent implicite, des institutions en place, les groupes d’entraide sont promoteurs de changement social. Mais le soutien auquel a accès une personne provient également de son réseau informel. Ce réseau est plus difficilement perceptible, car il n’est pas une création sociale ; il doit être découvert. Les réseaux primaires 124 Daniel TURCOTTE [44.223.94.103] Project MUSE (2024-03-29 13:55 GMT) correspondent à ces structures informelles à travers lesquelles les personnes obtiennent du soutien de l’environnement. Ces réseaux regroupent les intimes, les voisins, les amis, les membres de la famille dont on est plus proche, de même que les gens avec qui on partage des affinités ou des intérêts communs. Participer à la vie de quartier, fréquenter l’école, travailler, appartenir à des associations constituent autant d’occasions d’enrichir son réseau primaire. Le troisième concept qui apparaît dans le titre de cet atelier est la notion de communauté. Cette notion peut recouvrir diverses significations. Pour Bertot et Jacob (1991), la communauté correspond à une structure sociale minimale comportant un leadership plus ou moins organisé, des institutions et des lieux...