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CHAPITRE 7 Autonomie professionnelle, marge de manœuvre et organisation communautaire en CLSC Yves Hurtubisel Discuter d’autonomie professionnelle dans un colloque d’organisateurs communautaires me semble marquer le début d’un temps nouveau ; je parierais que nous sommes en train de participer à un mouvement qui vise à réhabiliter de vieilles questions enfouies dans le fond des mémoires ou jetées aux poubelles de l’histoire. En effet, la question de l’autonomie professionnelle, de la marge de manœuvre dans les institutions publiques et de l’éthique en organisation communautaire semble préoccuper davantage théoriciens et intervenants, comme le montrent des publications récentes ! 1. L’auteur tient à remercier les personnes qui lui ont fourni des commentaires sur une première version du texte, notamment Jacques Caillouette, René Lachapelle et William Ninacs du programme de doctorat de l’École de service social de l’Université Laval et Sonia Racine du programme de maîtrise de la même école. Je propose une réflexion en trois temps sur ces questions. D’abord, dans une perspective historique, retourner aux années 70 permettra de rappeler brièvement quelques réflexions que des intervenants communautaires exprimaient à l’encontre du professionnalisme dans leur secteur d’activité. Ensuite, le contenu de recherches récentes fournira l’occasion de mesurer le chemin parcouru ; nous constaterons que maintenant, loin de combattre le professionnalisme, les intervenantes et intervenants communautaires en font un enjeu pour leur autonomie professionnelle. Enfin, je proposerai quelques facteurs à considérer dans l’étude de l’autonomie professionnelle de l’organisateur communautaire en CLSC. LES ANNÉES 70 : MILITANTISME ET PROFESSIONNALISME La découverte du marxisme au tournant des années 70 a radicalisé la pratique de l’organisation communautaire. Dumont (1993) présente ainsi la rencontre de l’intellectuel avec le marxisme : « Le savoir limité de l’intellectuel s’adossait à un système global. Son labeur s’en trouvait singulièrement haussé. Assuré de n’être pas un gratte-papier à l’écart des forces de l’histoire, il investissait ses modestes travaux dans les grandes mouvances de la praxis. » Le marxisme – ce qui en était compris du moins – servait de rempart sinon de pensée identitaire à celles et à ceux pour qui des pratiques apparaissaient défendre davantage le développement et la place stratégique du service social que les populations avec lesquelles ils travaillaient. L’appartenance à une corporation professionnelle était perçue comme contraire aux principes de base de l’organisation communautaire. Quelques exemples suffiront à rappeler ces années glorieuses. Parmi les textes de l’époque qui indiquent bien le type d’analyse qui était proposé pour se situer comme travailleurs sociaux communautaires par rapport à la profession, à son employeur et au changement social, le texte suivant du Regroupement des organisateurs communautaires du Québec (ROCQ) n’est pas le plus radical. Rappelons que ce regroupement a été fondé pour donner un lieu d’échange et de formation à celles et à ceux qui, tout en étant progressistes, ne se reconnaissaient pas dans le marxismel éninisme. Ce texte, daté de mai 1977, exprime la difficulté de se situer par rapport à l’institution-employeur tout en évoquant la nature du changement social souhaité : Dans ce contexte, l’organisateur communautaire qui identifie sa pratique au mandat institutionnel dans lequel on cherche à l’enfermer sera, ou bien récupéré, ou bien complètement dépassé par les contradictions qui marquent sa pratique. 100 Yves HURTUBISE [3.145.93.210] Project MUSE (2024-04-26 08:40 GMT) La première et la plus fondamentale de ces contradictions est celle d’être placés par notre travail très près des effets du capitalisme monopoliste d’État, tels qu’ils sont vécus par les travailleurs, en même temps que d’avoir pour mission officielle, en tant qu’agents des appareils d’État, d’atténuer ou de déguiser ces effets en mobilisant les populations dans des actions qui, si elles sont prises pour des fins en soi, ne peuvent avoir pour résultats que des pseudo-solutions ou, au mieux, des réformettes partielles et éphémères et, ce qui plus grave, contribuer à distraire le peuple des causes réelles de son exploitation (Hamel, 1982 : 326). Avec le recul, il me semble que nous avions raison – j’étais du nombre – de constater la position délicate de l’organisateur communautaire coincé entre le pouvoir étatique et la population ; mais nous enfermer dans le dilemme « réforme ou révolution...

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