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Les tribulations d’une organisatrice communautaire dans des communautés rurales Yolande Lépine Je ne vous soumettrai pas un texte littéraire, mais plutôt une présentation schématique et synthétique d’une réflexion que je nourrissais depuis plusieurs années çà et là à travers les expériences de travail avec les gens du milieu. Cette réflexion a trouvé un certain épanouissement il y a deux ans, quand nous avons décidé de faire une intervention de milieu pour mettre à l’épreuve sur le terrain ce qui se mijotait à l’intérieur. Je vous dirai que cette réflexion et cette intervention prennent place dans un milieu rural situé au sud-est de la zone urbaine de Lévis, dans le beau comté de Bellechasse qui s’étend de la plaine du Saint-Laurent aux collines montagneuses des Appalaches. Vous n’y trouverez pas une ville, mais seulement des municipalités rurales dont la taille varie de 350 à 3 200 habitants. Il y a ainsi 19 communautés. J’y travaille depuis l’ouverture du CLSC en 1984. Il n’y avait alors que deux ressources communautaires dans tout le territoire : un Carrefour Sobriété (issu des Lacordaire et Jeanne D’Arc) et un service d’entraide sous-régional qui n’assistait en fait que les personnes âgées démunies d’un village. Ce court préambule terminé, CHAPITRE 5 je vous invite à me suivre dans mes tribulations, en espérant éclairer, par ce témoignage, la question de l’approche par clientèle ou de l’approche par milieu. LE QUESTIONNEMENT PRÉALABLE Après cinq ans d’intervention de type développement communautaire régional, à savoir de mise en place d’un minimum de leviers communautaires pouvant desservir l’ensemble de la MRC (Ressources alternatives pour les jeunes 15-25 ans, Association de personnes handicapées, Regroupement des Aînés, Ressources alternative en santé mentale, Maison de la Famille, quelques garderies, quelques Maisons de jeunes) ; après cinq ans d’une analyse de milieu de type « inventaire » de la population, des infrastructures, des événements, de la culture ; après cinq ans de mobilisation autour de problèmes régionaux, j’ai pu constater les difficultés suivantes − Un difficile arrimage entre le développement régional (MRC) et les dynamismes locaux et donc la nécessité de respecter les deux niveaux, de collaborer, de composer avec les communautés locales traditionnelles. − La fragilité du sentiment d’appartenance régionale (division traditionnelle) dans l’histoire et dans la culture et donc la faiblesse de son effet d’entraînement et de mobilisation plus complexe à opérer. − Un sentiment souvent vécu de dispersion et d’égarement (essoufflement ) dans le travail par clientèle en soutien au développement d’organismes à vocation régionale. − La désintégration de certaines communautés, qui apparaît de plus en plus évidente et qui appelle une approche par milieu. − L’approche réductionniste du découpage par clientèle, qui évacue l’environnement social, brise les liens avec les autres groupes de la population. − La très grande difficulté de faire connaître les ressources régionales, de les rendre très accessibles et donc de voir la population les utiliser et l’intuition « logique » qu’une pénétration locale était nécessaire. − L’impact très grand de l’environnement social, physique et culturel sur la condition individuelle. L’intervention nous ramène constamment au milieu. 78 Yolande LÉPINE [3.141.47.221] Project MUSE (2024-04-25 00:56 GMT) Les tribulations d’une organisatrice communautaire 79 − La mobilisation par l’approche clientèle, marquée de difficultés d’accessibilité et d’engagement dans les structures régionales. Les dynamismes locaux stimulent les gens, qui s’y reconnaissent plus facilement ou se sentent moralement obligés de les soutenir et de s’y impliquer. − Rejoindre les clientèles à risque, notamment les familles démunies, ou rejoindre les organismes par l’entremise d’un comité régional. Ce qui devenait notre objectif au fil des années, apparaissait comme une intervention partielle et effilochée sur des années et des années insatisfaisante et marginalisante. L’idée de « milieux à risque » nous est apparue plus réaliste, plus pragmatique et plus fertile. L’heure des choix Nous avons partagé cette réflexion dans l’équipe Enfance-Famille en constatant le cul-de-sac de l’approche par « clientèle...

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