Théorie et pratiques en organisation communautaire

Avant-propos

Avant-propos LAVAL DOUCET LOUIS FAVREAU UNE DÉMARCHE D’ANALYSE INSPIRÉE PAR UN COURANT D’ORGANISATION COMMUNAUTAIRE AMÉRICAIN Proposer une théorie englobante de l’organisation communautaire, quand il existe plus d’une centaine de définitions de ce concept, représente tout un défi. Nous y avons renoncé, jugeant la documentation disponible sur les pratiques d’organisation communautaire encore trop fragmentaire pour nous engager dans une telle opération. Nous avons donc choisi de décrire et d’analyser l’état de la pratique en organisation communautaire en nous inspirant d’un courant explicatif du communautaire1 . Reçus avec enthousiasme, à une époque de grande effervescence sociopolitique, les trois «modèles» d’organisation communautaire élaborés par Rothman — le développement local (communautaire), le planning social et l’action sociale — n’ont pas connu un succès égal au cours des trois dernières décennies. Au Québec, après un premier essai, ces modèles ont été remplacés par d’autres systèmes explicatifs... Un fait étonnant survient cependant à la fin des années 80. Réunis en colloque, plus de 350 travailleurs et organisateurs commu1 . Celui-là même lancé par Jack Rothman en 1968 dans son désormais célèbre »Three models of community organization practice». Ce texte est reproduit dans F. Cox, J. ERLICH et al. (1987). Strategies of Community Organization, Itasca, Illinois, Peacok Publishers. Quatrième édition, après celles de 1970, 1974 et 1979. 2. B. WHARF (1979). Community Work in Canada, Toronto, McClelland et Stewart. 3. R. ROBERTS (1970). Theories of Social Casework, Chicago, Chicago University Press. R. ROBERTS (1976). Theories of Social Work with Groups, New York, Colombia University Press. R. ROBERTS et S. TAYLOR (1985). Theory and Practice of Community Social Work, New York, Colombia University Press. 4. F. M. Cox, J. ERLICH et al. (1987). Op. cit. 5. Ibid., p.3. 6. Voir à ce propos le texte d’introduction générale de L. DOUCET et L. FAVREAU : «Théories et pratiques en organisation communautaire : mise en perspective autour de trois “modèles”». X Avant-propos nautaires de CLSC font le point sur leurs pratiques et sur l’action communautaire et refont le constat de Jack Rothman : un manque d’identité de l’organisation communautaire par rapport à d’autres pratiques sociales, une confusion des concepts puisqu’on utilise souvent de façon indifférenciée les termes «action communautaire», «travail communautaire»,«développement communautaire», « intervention communautaire» ou«intervention collective». Ce qui révèle un bagage théorique insatisfaisant pour un bon nombre. Faut-il ressusciter la typologie de l’organisation communautaire développée par Jack Rothman ? Non, il n’était pas mort partout... Il n’avait cessé d’inspirer intervenants, professeurs, chercheurs et éditeurs comme en témoignent des auteurs comme Wharf2 , pour qui cette typologie est d’un grand secours pour la recherche ; Roberts, qui après avoir coédité deux classiques du travail social coédite à nouveau en collaboration avec S. Taylor3 en ajoutant, aux trois modèles de Rothman, les deux suivants : liaison communautaire ainsi que développement de programmes et coordination de services. L’ouvrage de Cox, Erlich et Rothman4 , livrec énacle de la théorie des trois modèles, propose d’envisager l’organisation communautaire comme une perspective de la macropratique au même titre que l’administration et la politique sociale pour intégrer les méthodes de changement social qui «visent des cibles au-dessus du niveau de l’individu, du groupe et de la famille, c’est-à-dire les organisations, les communautés et les entités régionales et nationales5». Cette dernière ouverture théorique reste toutefois, pour nous, objet de débat dans la mesure même où une des spécificités québécoises de l’organisation communautaire se situe depuis trente ans au niveau du micro-développement6 . À l’heure où la pratique québécoise de l’organisation communautaire est en processus de clarification tant sur le plan théorique que sur Avant-propos XI le plan pratique, il nous semble opportun de réexaminer le champ de cette pratique à la lumière de ce filon explicatif. En plus de constituer un test d’aptitude pour cet effort de systématisation, le présent exercice vient combler un besoin ressenti, soit celui de disposer d’un ouvrage de base en langue française à l...