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1.1. L’organisation communautaire en milieu urbain d’un grand centre JEAN-ROBERT PRIMEAU LA PAUVRETÉ La pauvreté économique des populations Parler des communautés urbaines économiquement défavorisées, c’est parler de la pauvreté. C’est un lieu commun agressif à force d’évidence. Mais la pauvreté d’aujourd’hui ne se pose pas de la même façon qu’il y a vingt ans par exemple. Dans un quartier comme Hochelaga-Maisonneuve, au sud-est de Montréal, la pauvreté prend plus d’ampleur maintenant et a un nouveau visage. Ce quartier a un passé ouvrier important. Il était considéré comme la capitale mondiale de la chaussure dans les années 30. Des dizaines d’usines productrices de chaussures le parsemaient et embauchaient des milliers d’ouvriers et d’ouvrières. On en retrouve à peine deux ou trois actuellement où travaillent quelques dizaines de producteurs et productrices. Il en est de même dans plusieurs autres secteurs économiques de production : l’alimentation, la transformation des métaux, la construction navale, les activités portuaires, le textile, le vêtement, la bonneterie, etc. Des mises à pied massives, des fermetures fracassantes ont balisé depuis les trente dernières années le douloureux chemin vers la dégradation de ce quartier. La majorité de ces emplois n’ont pas été remplacés et les travailleurs ont été laissés pour compte. Une période de chômage 1. Gilles BEAUCHAMP et al. (1990). S’organiser, s’entraider, s’en sortir, programmation de l’Équipe d’Organisation communautaire 1989-1992 et plan d’action 1989-1990, CLSC Hochelaga-Maisonneuve, p. 5. 246 Deuxième partie suivie de l’aide sociale : voilà le sort qui a été réservé à une fraction importante de cette population1 . Sur une population de près de 50 000 habitants, autour de 12 000 personnes dépendent de l’aide sociale, et environ 6 000 touchent des chèques de chômage. Avec les autres formes de paiements de transferts gouvernementaux, près de 25 000 personnes attendent régulièrement leur chèque de l’État. C’est environ 50 % de la population. Si on ajoute à cela les travailleurs au salaire minimum et ceux au travail précaire, on en arrive à une conclusion claire : oui, la pauvreté gagne du terrain. Mais la pauvreté prend aussi de nouveaux visages : deux bénéficiaires de l’aide sociale sur trois sont des personnes seules ; 44 % des familles avec enfants à la maison sont monoparentales. C’est beaucoup si on compare ces résultats avec ceux de l’ensemble de la région 06-A (Île-de-Montréal) où on compte 27 % de familles monoparentales. Plus de 40 % des jeunes ne terminent pas leurs études secondaires. Est-ce surprenant quand on sait que dès le primaire beaucoup d’écoliers se présentent en classe le ventre vide au point où, dans certaines écoles, on ne fait plus passer de tests après le 15 de chaque mois parce que les enfants ont faim et manquent de concentration! Cet état de choses entraîne des échecs scolaires répétés et, à long terme, le décrochage. Il n’est pas rare de voir des ménages à très faibles revenus affecter 30, 40 ou 50 % et plus de leurs revenus aux loyers. Près de 10 % des bébés ont un poids insuffisant à la naissance (moins de 2 500 g), comme dans de nombreux pays en voie de développement. La pauvreté des sciences sociales et des intervenants Il y a la pauvreté des populations mais aussi celle des intervenants. Il y a dix ou quinze ans à peine, nous n’étions même pas conscients de notre propre pauvreté tant le trésor des sciences sociales nous semblait inépuisable et sûr. Cependant, [...] les sciences sociales actuelles connaissent la pénitence. Elles sont condamnées à se refaçonner, plongées dans la nostalgie d’une époque encore proche où «leurs grandes théories» bénéficiaient d’une large audience. [...] Elles ne sont plus guère créditées de la capacité de donner le sens (dans la double acception du mot) de l’histoire qui se fait. [...] Elles bougent, elles s’éloignent des syst èmes de références et des modes explicatifs qui les ont orientées [18.118.12.222] Project MUSE (2024-04-24 12:17 GMT) 2. Georges BALANDIER (1988). Le désordre. Éloge du mouvement, Paris, Éditions Fayard...

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